L´appel lancé, jeudi dernier, par notre ministre du Commerce aux importateurs et transformateurs de blé dur est d´une importance indéniable. Aux premiers, il a demandé de cesser d´importer du blé dur et aux seconds, de s´approvisionner auprès de l´Oaic qui dispose d´importants stocks de blé dur. Il faut rappeler qu´effectivement notre pays a enregistré une récolte céréalière record en 2009. De 17 millions de quintaux en 2008, nous sommes passés à 60 millions. Toutes espèces de céréales confondues. Cela va du blé dur à l´avoine en passant par l´orge et les semences. Il faut préciser qu´il n´est pas question de blé tendre (farine pour la fabrication de pain) que nous importons en quantité faute de production suffisante. Donc l´appel de M.Djaâboub ne concerne que le blé servant à fabriquer les semoules et autres pâtes alimentaires. Ces précisions faites, penchons-nous maintenant sur les raisons de l´appel ministériel. Pourquoi des opérateurs continueraient-ils à importer du blé dur disponible en Algérie? Commençons par relever que le cours du blé sur le marché international (actuellement en nette baisse) est fluctuant contrairement à celui de l´Oaic qui est figé. Quel est le gestionnaire qui refuserait de s´approvisionner à moindre coût? Ensuite, il y a un problème de qualité. Celle-ci commence par la semence pour finir sur les conditions de stockage. D´ailleurs, cela est pris en charge pour les récoltes à venir. Le 3 janvier dernier, le ministre de l´Agriculture, M.Rachid Benaïssa, a annoncé la création de l´Union des Coopératives chargée de la gestion des semences de céréales, de légumes secs et de fourrages (Ucsls). En attendant, et pour la dernière récolte record de céréales, il faut dire que les autorités ont été prises de court quant à l´insuffisance des moyens de stockage. Ce qui n´est pas sans incidence sur la qualité. C´est cette équation qualité-prix qui pousse les opérateurs à l´importation. Il ne faut pas aller chercher plus loin. L´appel de M.Djaâboub manque de précision. Il ne dit rien sur la réglementation des quotas (pour ne pas dire rationnement) d´approvisionnement imposée aux clients de l´Oaic depuis 2005. Même à supposer qu´il fasse appel au patriotisme économique des opérateurs, il est clair qu´un patriotisme partagé serait plus juste. Que l´Etat en prenne sa part. Que l´Oaic ait acheté la récolté nationale de céréales à un certain prix en 2009 et qu´aujourd´hui le cours se soit effondré n´est, peut-être, de la faute à personne. Que les conditions de stockage soient ce qu´elles sont, pourrait être la faute à pas de chance. Mais en aucun cas, il ne pourrait être juste d´endosser toutes ces anomalies structurelles aux seuls opérateurs. Pour ce qui est de la qualité, il faudrait aussi accepter de mettre un bémol sur nos prétentions à développer nos exportations hors hydrocarbures. La concurrence sur les marchés extérieurs est plutôt rude sur ce plan. Mais comme les exportations des produits transformés à base de céréales sont suspendues depuis quelques mois, le problème est «réglé». Le 13 février dernier, M.Djaâboub expliquait sur les ondes de la Chaîne III que la suspension s´expliquait par la subvention et par ce terrible aveu: «Nous sommes dans l´impossibilité de faire le distinguo entre ce qui est acquis auprès de l´Oaic et ce qui est importé, donc nous avons décidé de suspendre temporairement l´exportation de ces produits pour une meilleure protection de l´économie nationale.» On a presque envie de l´aider et demander à nos douaniers de lui mettre sous le nez les entrées et sorties des bateaux. Si ce n´était qu´un problème de bateaux, passe encore. Visiblement, c´est de navigation qu´il s´agit. Comprenne qui pourra.