Il y a vingt ans naissait ce que des esprits poétiques avaient qualifié «d´aventure intellectuelle». Il s´agit bien sûr de la célébration du vingtième anniversaire du texte de loi qui libéra la presse nationale un certain 3 avril 1990 et donna à des dizaines de titres de voir le jour. Dans l´euphorie d´une certaine liberté d´informer recouvrée, on s´est gardé de faire la fine bouche ou d´être regardant quant à la qualité du journalisme pratiqué. Nous étions tous en période d´apprentissage et de rodage. Aussi bien les journalistes, promus du jour au lendemain à des responsabilités qui n´étaient pas les leurs, que les autorités politiques qui - bien qu´elles aient été à l´origine de ce bond qualitatif de l´information en Algérie - n´ont apprécié que modérément le fait de se voir enlever le monopole de la production de l´information, se trouvaient les uns et les autres face à un challenge dont les retombées pouvaient avoir des conséquences durables sur la pratique du journalisme dans notre pays. Toutefois, dès le départ, il n´y a pas eu franc jeu, singulièrement de la part des autorités publiques qui n´ont pas correctement, sinon totalement, rempli leur rôle d´accompagnement d´une presse qui faisait ses tout premiers pas dans un secteur où tout était à construire, ou à reconstruire. En réalité, les hommes politiques algériens, de toute tendance, n´ont pas été les derniers, ni d´ailleurs les premiers, à avoir pourfendu le droit de dire et les velléités de liberté que les hommes de plume prétendaient consolider. Or, quoi que l´on en dise, la presse privée ou dite «indépendante» a démarré dans des conditions plutôt difficiles ne s´apprêtant pas à la pratique. Ainsi, le manque d´expérience et de formation spécifique des journalistes, conjugué à l´absence de répondant des autorités politiques - qui, d´emblée, ont vu dans la presse l´ennemi à museler - ont eu, il faut l´admettre, des retombées négatives sur le professionnalisme des néo-journalistes. Vingt-ans après, quel bilan peut-on faire d´une «aventure intellectuelle» qui n´en était plus une en vérité? Tout en relativisant, certes, on peut avancer que le bilan a été plutôt maigre: la presse écrite se cherche toujours une position qui ferait d´elle une interlocutrice potentielle des pouvoirs publics et un média crédible auprès de la société. Ce qui est loin d´être le cas, il faut l´admettre. Toutefois, il convient également de souligner, à sa décharge, que la presse écrite reste isolée en l´absence de chaînes de télévision et de radio, qui demeurent sous le monopole de l´Etat. De fait, le verrouillage des médias lourds ampute l´information en Algérie d´un espace de socialisation crucial, pose une question d´éthique et constitue un véritable paradoxe quand, dans le monde d´aujourd´hui, même les micro-Etats disposent d´au moins deux à trois chaînes de télévision et radios privées. Dernier Mohican en la matière, les pouvoirs publics justifiant la non-ouverture du champ télévisuel et radiophonique par le fait que le pays «n´est pas mûr». Ce qui veut dire? De fait, vingt ans après son apparition dans le champ médiatique algérien la presse privée, malgré la pléthore de titres, est arrivée aujourd´hui à ses limites non seulement du fait de l´absence et/ou de l´inorganisation du milieu de la presse (impression, diffusion, publicité...) mais aussi du peu d´impact qu´elle a, à l´exception de quelques titres, sur la société. En effet, la presse privée doit se remettre en cause et tirer les leçons de vingt années d´expérience journalistique qui n´ont pas toujours été concluantes. Loin s´en faut. Il appartient à ce secteur de l´information délever son niveau sur tous les plans pour espérer s´imposer comme interlocuteur incontournable. Du travail reste à faire pour améliorer le contenu et la qualité de l´information prodiguée quotidiennement. C´est seulement à ce prix que la presse privée sera écoutée, voire entendue.