Par où commencer si on est amené aujourd´hui à faire le bilan de 30 années de poussées revendicatives pour la reconnaissance de l´identité et de la langue amazighes? Entre le rêve caressé par les premiers militants de cette cause de voir leur langue maternelle enseignée à l´école, même partiellement, de la regarder sur une chaîne de télévision qui lui est dédiée, même si elle est de piètre qualité, de la voir inscrite dans la Constitution, même si elle n´est pas encore officielle, et le «débat» d´aujourd´hui qui focalise sur le caractère avec lequel on doit transcrire cette langue, il faut convenir qu´un long chemin a été parcouru. Comme tout combat qui se respecte, l´autoroute de cette bataille identitaire est jonchée de cadavres. Ainsi va l´histoire quand on combat l´exclusion, l´ignorance et le déni identitaire. La leçon qu´il convient de souligner, à l´occasion de ce 30e anniversaire, est le combat foncièrement pacifique avec lequel le défunt Mouvement culturel berbère (MCB) avait mené cette lutte. Ils sont rares, très rares les combats pacifiques dans l´histoire des nations, même les plus prétendument civilisées, les plus démocratiques. La lutte pour la reconnaissance de l´identité amazighe a ce mérite d´être un combat PACIFIQUE. Les nostalgiques de la clandestinité durant les décennies où les marches étaient de véritables démonstrations de force, regrettent aujourd´hui la dislocation du MCB et la dispersion des énergies. Mais encore une fois, ainsi va l´histoire et à chaque décade, ce mouvement annonce un bouleversement dans le pays. En 1990, lors de la célébration du 10e anniversaire du Printemps berbère, le MCB a cessé d´être le creuset où se sont émancipées les volontés militantes. C´était l´ouverture démocratique et le MCB ne survivra pas aux décantations idéologiques et partisanes qui se sont opérées à la faveur de ce multipartisme. Un nouvelle ère s´ouvre et les clivages partisans ont fané la ferveur des défenseurs de la cause amazighe. C´est que la conjoncture imposait une autre forme de lutte avec d´autres vecteurs, notamment les partis politiques. On se rappellera toujours des députés de Kabylie sifflés et chahutés par leurs collègues des autres régions au niveau de l´Assemblée populaire nationale quand ils osaient s´exprimer en Tamazight, la langue avec laquelle Jugurtha combattait Rome. Ce «chahut de députés» annonçait déjà un autre combat, un autre bouleversement en Algérie, celui des années 2000. Après avoir décomplexé les esprits par rapport à la justesse du combat pour l´identité durant la décennie 80-90, il a fallu donner corps à cette langue dans la Constitution. La reconnaissance eut lieu en 2002 quand tamazight devint officiellement une langue nationale à part entière. Une consécration constitutionnelle considérée comme la plus grande avancée de ce combat qui tire ses racines du premier mouvement berbériste né en 1949 lors de la crise dite berbériste au Mtld. On est aujourd´hui au 30e anniversaire et à la troisième décade depuis 1980. Un troisième combat, un autre bouleversement en Algérie est déjà en marche. Il faut attendre la prochaine décade pour en connaître les résultats.