Cela est quasiment entré dans la normalité, voire dans les moeurs, de voir les tubercules et autres légumes cédés contre la respectable somme (pour nombre de citoyens) de 100 DA ou plus. Les pénuries cycliques d´un tel ou tel produit alimentaire sont également entrées dans les habitudes des Algériens, surtout à l´approche du Ramadhan. Le produit agroalimentaire ou, plus communément, la sécurité alimentaire, a-t-il, a-t-elle, un prix? Cela est évident. Mais quels prix? Qui les fixe, selon quels critères? On pourrait s´étonner qu´après près de cinquante années d´indépendance on en soit encore et toujours là. C´est pourtant une amère réalité, l´Algérie est devenue incapable de subvenir aux besoins de ses citoyens en matière de produits alimentaires, dépendant de plus en plus de l´importation. Le dire n´est pas trahir un secret. Les faits sont là et les prix atteints par les produits de large consommation le confirment, si besoin est. Or, cette dépendance de l´importation pour nos besoins alimentaires met en porte-à-faux la souveraineté même du pays. En est-on seulement conscient? Du moins ceux qui poussent au «tout-import», contribuant à laisser en friche des milliers d´hectares de terres arables, pire, au renoncement à certaines variétés, pour la commodité des importations tous azimuts, sont-ils conscients de cette situation dommageable pour l´Algérie? De fait, la mise à disposition des produits de large consommation est devenue un véritable casse-tête mettant en danger la sécurité alimentaire du pays, plus que jamais dépendante de l´étranger. D´exportatrice agricole, l´Algérie est devenue au fil des ans une importatrice nette de tout ce qu´elle consomme en matière agroalimentaire. C´est anormal! Et c´est peu de le dire. En effet, l´échec des mesures de «régulation» initiées par le gouvernement, qui sont autant de replâtrages, s´explique par le fait que les solutions préconisées ne peuvent être que fausses quand l´analyse du problème est erronée ou le problème mal posé. C´est le cas de l´agriculture en Algérie. La politique agricole du pays, initiée depuis l´indépendance avec la réforme des structures agricoles s´est fixé comme objectif la réhabilitation sociale du monde rural. Cela n´a pu, au final, réussir et les VSA (Villages socialistes agricoles) et autres EAC (Exploitations agricoles collectives) sont là pour dire l´inanité d´une politique qui a surtout eu pour résultat de transformer le fellah en salarié. Une hérésie! Quelque part, l´attachement viscéral que le fellah a à la terre a été cassé. C´est toute la mentalité paysanne qui s´est délitée lorsque le fellah s´est retrouvé avec un salaire assuré, qu´il produise dix kilos ou une tonne de pomme de terre. On a fait du fellah un fonctionnaire qui, peu à peu, s´est détaché de la compréhension du travail de la terre. Quand on ne comprend pas la terre, on ne vit pas avec la terre, lorsqu´on ne se soucie pas de la terre lorsqu´il gèle, qu´on ne la soigne pas en temps de canicule, il est patent que la terre n´est plus à même de produire et fournir l´alimentation nécessaire à la population. Le fait est que ceux qui pondent des directives de «régulation» à partir de leurs bureaux feutrés n´ont rien compris à la terre et au travail de la terre. Qu´il est loin le temps où la Numidie était réputée «grenier» de Rome et l´Algérie exportait son blé dans le monde entier. Il n´est pas loin le temps (une quarantaine d´années à peine) où l´Algérie était un des premiers producteurs de raisins et d´orange dans le monde. Tout cela n´est plus qu´un vague souvenir, l´orange comme le raisin, se sont faits rares et devenus acides. Il faut retourner à la terre, pour redonner à cette généreuse terre d´Algérie de produire à suffisance. Mais encore faut-il respecter cette terre, car aucun décret, aucune loi ne pourront remplacer un bon paysan qui comprend la terre et sait la faire féconder.