Un fait sans précédent a émaillé la remise de la déclaration irakienne au Conseil de sécurité. C'est à un véritable acte de brigandage, ou de piraterie comme l'affirment d'aucuns, que se sont livrés, dans la nuit de dimanche à lundi, les Etats-Unis, qui se sont quasiment emparés de la déclaration irakienne, (à propos de son armement prohibitif), dès son arrivée au siège des Nations unies à New York. Trois heures après sa réception par les Nations unies, le document, avant même d'avoir été enregistré, a pris la route de Washington, ce dernier en donnant, après coup, des copies à la Grande- Bretagne et à la France. Pourquoi seulement ces deux pays alors que ni la Russie, ni la Chine, autres membres permanents, n'ont été destinataires d'une copie analogue? C'est un acte sans précédent que viennent de commettre les Etats-Unis, -au préjudice du crédit des Nations unies-dans leur obsession, ou paranoïa, d'incriminer coûte que coûte l'Irak. Ce qui a fait dire à un diplomate accrédité auprès de l'ONU que l'on a assisté à «un tour de passe-passe». Réagissant, le ministère irakien des Affaire étrangères a, dans un communiqué, accusé les USA de s'être livrés à un «racket». «Il s'agit d'un racket sans précédent dans l'histoire des Nations unies» soulignant que «le comportement des Etats-Unis fait fi de la Charte de l'Organisation et des droits inaliénables des dix pays membres non permanents du Conseil de sécurité». La manière avec laquelle les Etats-Unis ont pris en charge le dossier irakien, allant jusqu'à empiéter sur les prérogatives du Conseil de sécurité, confine à l'obsession, Washington voulant avoir raison quel qu'en soit le prix. Ce prix est déjà, à tout le moins le discrédit plus patent des Nations unies, auxquelles les Etats-Unis n'ont même pas voulu laisser le soin, ne serait-ce qu'à titre formel, d'avoir l'honneur de distribuer, à qui de droit, des exemplaires de la déclaration irakienne. Washington a justifié cette action de piratage par le fait qu'il était le seul à disposer des moyens technologiques propres à lui permettre un tirage rapide de copies du document. Ce qui est peu vraisemblable, les Nations unies, brassant de milliers de dossiers quotidiennement, disposent de tout ce qu'il faut pour effectuer un tel travail. En fait, il semble que Washington voulait soustraire aux autres membres du Conseil de sécurité un document explosif à ne pas mettre entre toutes les mains. Le président du Conseil de sécurité, l'ambassadeur colombien, M.Valdivieso, qui affirmait, il y a quelques jours, que les quinze membres du Conseil auront une copie, s'est finalement rallié au coup de force américain arguant que cette décision a été prise afin «d'éviter que des informations pouvant permettre la fabrication d'armes de destruction massive ne soient rendues publiques». Comme si les Irakiens avaient fait accompagner leur déclaration des secrets et formules de fabrication et de production des armes chimiques, biologiques ou nucléaires. Bref, selon le président du Conseil, une version «expurgée sera disponible, (probablement) la semaine prochaine» pour les dix membres non permanents. Le seul membre arabe du Conseil de sécurité, la Syrie, a protesté, par la voix de son ambassadeur auprès du Conseil, Mikhaïl Wehbe, contre la décision du Conseil de sécurité. M.Wehbe a estimé que «Cette décision est en contradiction avec toute la logique, tous les principes du Conseil et va à l'encontre de son unité». Ce qui n'a pas semblé être l'avis du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, qui considère quant à lui que «le Conseil est maître de ses décisions. Ce qu'il décide est OK» se gardant toutefois de réagir à l'initiative des Etats-Unis de s'emparer de la déclaration irakienne, qui est loin d'avoir été une décision du Conseil, mais un fait accompli américain. Tout cela n'augure rien de bon pour la paix et la sécurité dans le monde, placées de fait sous la tutelle des Etats-Unis et de son alter-ego la Grande-Bretagne. Tony Blair affirmant même, hier, que «la Grande-Bretagne était préparée à la guerre» au moment où, au Qatar, des soldats de l'armée américaine se livrent depuis deux jours à des manoeuvres militaires aux frontières de l'Irak. Au nom de la paix «américaine» George W.Bush est prêt à l'homicide de tout un peuple.