Ce qui paraît être une lune de miel demeure d'une superficialité déconcertante. A quelques jours de l'ouverture de l'Année de l'Algérie en France et à quelques mois de la visite d'Etat du président Chirac à Alger, les relations entre les deux pays n'ont jamais été aussi chaleureuses. Au plan officiel, en tout cas, il est aisé de constater une convergence de vues rarement atteinte entre les sphères dirigeantes. Le retour en force de la droite aux affaires dans l'Hexagone est sans doute pour beaucoup dans le réchauffement des relations, la gauche étant traditionnellement hostile à un rapprochement entre les deux pays. Cependant, tous les observateurs relèvent que les attentats du 11 septembre ont eu un effet catalyseur sur la qualité des rapports algéro-français. La menace terroriste, désormais mondiale, et la position centrale de l'Algérie dans toute stratégie de lutte contre ce fléau, ont amené les autorités françaises à accélérer le processus de normalisation des relations entre l'Algérie et la France. Un processus qui a démarré, notons-le, en 2001 à l'occasion de la visite d'Etat effectuée par le Président Bouteflika à Paris où l'idée d'organiser l'Année de l'Algérie en France est née. Si les relations ont, depuis, évolué en dents de scie, car parasitées par des cercles politiques réfractaires aux approches officielles des deux côtés de la Méditerranée, le pragmatisme a quelque peu pris le dessus au lendemain des événements du 11 septembre 2001, mais il a surtout considérablement freiné les ardeurs des détracteurs des deux chefs d'Etat, qui se recrutent, pour nombre d'entre eux, parmi «les alliés conjoncturels» des terroristes islamistes. Le profil bas des opposants a donné du tonus à la diplomatie officielle qui a marqué beaucoup de points dans une ambiance politico-médiatique plutôt favorable. La visite de Jacques Chirac à Bab El-Oued est à inscrire dans le sillage de cette période euphorique qui a caractérisé les relations entre Paris et Alger. L'on retiendra les nombreuses rencontres entre Bouteflika et Chirac, à l'occasion de rendez- vous internationaux. C'est dire que sur le plan politique, les deux pays ont énormément avancé, à telle enseigne que l'on évoque plus les fameux contentieux qui brouillaient la vision. Plus encore, la France a lancé le débat sur son passé colonial et le discours concernant cette phase noire de son histoire a sensiblement évolué. Ce qui constitue un facteur majeur qui a participé au dégel des relations algéro-françaises. Seulement, ce qui paraît être une lune de miel demeure d'une superficialité déconcertante, selon de nombreux observateurs. L'on retiendra, à ce propos, les multiples visites de patrons français du Medef qui sont restées sans suite, la politique des visas d'entrée sur le territoire français qui est restée quasi inchangée. Deux ans après que les deux nations eurent repris langue, force est de constater la tiédeur des opérateurs économiques vis-à-vis du marché algérien. Une situation difficilement concevable de ce côté-ci de la Méditerranée, d'autant qu'en termes de législation et de volonté politique, l'Algérie a fait un énorme pas en avant. Il y a lieu, à cet effet, de rappeler toutes les promesses d'investissement, mais qui sont demeurées sans lendemain. De plus, les grosses boîtes françaises présentes en Algérie, à l'image des constructeurs automobiles ne semblent avoir aucune envie de s'installer dans le pays. Autant dire que l'Algérie est vue comme un débouché intéressant pour les produits made in France, sans plus. A cette mauvaise volonté manifeste des patrons français sont venues se greffer les attaques «en dessous de la ceinture», orchestrées par des milieux très hostiles au rapprochement entre les deux capitales. Les relais médiatiques, politiques et dans les services de renseignement ont été actionnés pour casser la dynamique algéro-française à quelques semaines de l'ouverture de l'Année de l'Algérie en France. Moumen Khalifa, président du groupe du même nom, est revenu dans les colonnes de certains journaux et l'on a tout fait pour noircir le tableau de l'Algérie à travers le blocage de KTV. Plus que cela, la chaîne de télévision Canal+ a rouvert le dossier des attentats de Paris avec des insinuations pour le moins ignobles en direction des autorités civiles et militaires algériennes. La «bourrasque» soulevée par les détracteurs de Chirac et Bouteflika a fait l'effet d'une tempête dans un verre d'eau. La France officielle a réservé une fin de non-recevoir à la demande d'enquête parlementaire de Noël Mamère et permis à KTV d'émettre depuis Paris. En fait, l'histoire algéro-française connaît des hauts et des bas et l'on peut qualifier ce couple d'infernal.