La périphérie de la capitale et la plaine de la Mitidja constituent le principal moteur de la violence armée. Il y a quelques jours, un responsable de la sécurité développait son point de vue concernant la stratégie de lutte antiterroriste dans le plus pur style militariste hégémonique. Le groupe de journalistes et de responsables se prêtant à une amicale polémique, je plaçais à l'endroit du colonel quelques petites objections, dont la principale concernait la gestion spécifique des zones-crise, gestion qui dépasse de loin la seule option militaire pour brasser les aspects sociaux, économiques et culturels. La capitale ne se gère pas comme la région kabyle ni celle des Touareg ni celle des Ouled Naïl. Le colonel eut cette réponse, qui, en fait, fait écho à celle du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, prononcée lors de sa conférence de presse à Cherchell: «Je suis un militaire, je m'occupe de l'aspect militaire. Au gouvernement, chargé de mettre en place des procédures adéquates, une relance économique efficiente, un plan d'action afférent aux assemblées nationales, chargées de légiférer et de trouver les alternatives politiques, de trouver donc les solutions nons militaires». Voilà, donc lancé le grand débat: la lutte antiterroriste en Algérie implique quelles institutions et intéresse quels secteurs? Pour notre part, dans ce bref survol synoptique, nous allons insister sur les zones-crise et leur rôle dans la création et le maintien en l'état des tensions, des turbulences, et donc, de la violence. Les formes et les habillages de ces formes de violence importent moins que le fond du problème et qui, lui seul, est le véritable détonateur. Les mêmes zones-crise qui ont, hier, généré la violence, continuent aujourd'hui, à être autant de points où la tension, les turbulences et les violences sont les maîtres-mots. De Bouyali à Layada, à Oukali Rachid (1982, 1992, 2002), ce sont toujours les régions de Tablat, Boufarik, Baraki, Benghazi, Bougara, etc. qui constituent le même péril aux yeux des services de sécurité. Les attentats de l'année dernière, perpétrés à Hamoul (Bougara), nous ont amenés à faire un constat affligeant sur cette localité délabrée et qui reste un «vivier majeur» pour générer toute sorte de radicaux, la religion ne constituant qu'un habillage justifiant la prise d'armes. Belaouadi, entre Baraki et Larbaâ, est un cas type. Ce village du bout du monde, situé à trente minutes d'Alger, donne le tournis. Des cubes de ciment forment le village, et au-delà, les vergers s'étendent à perte de vue. A côté, Gaïd Gacem, Ouled Allel, Sidi Moussa, Bouinan et Tabaïnet sont encore là, pour rappeler que c'est ici, principalement, qu'éclate la violence, à la périphérie des villes, et en l'absence de toute perspective sociale ou économique et de tout repère culturel. Ce n'est quand même pas là qu'on va attendre que naissent des philanthropes et des peacemakers. En fait, une société qui donne encore naissance au terrorisme est une société gravement atteinte dans le fondement de ses structures vitales internes. Le choix du tout sécuritaire a été édicté par la nécessité de faire pièce à un terrorisme, déferlant et impressionnant. Aujourd'hui, à la lumière d'une relative éclaircie, il serait tout autant nécessaire de voir où les choses «disjonctent» pour faire d'un Algérien tout à fait ordinaire un criminel irréductible. L'Algérie n'est pas les Etats-Unis. La stratégie élaborée de l'islamisme dans le pays des droits de l'Homme ne s'applique pas à notre pays, où l'Islam émaille le quotidien des gens. Entre le musulman et l'islamiste, l'espace est si infime qu'il faudrait peut-être commencer à lorgner du côté de Sahel Bouberak, Laghouazi, Hamoul, Belaouadi, Oued Djer, Boumedfaâ pour comprendre ce qui échappe encore aux concepteurs d'une lutte politique contre les groupes armés. Dans une très large mesure, l'impératif d'édifier un Etat théocratique a été évacué par la nouvelle vague des desperados. Cela est un autre point, tout aussi essentiel, à prendre en considération.