Absorbés par le rétablissement de l'ordre et le terrorisme, les services de sécurité de Tizi Ouzou doivent faire face à présent au grand banditisme qui a pris de l'ampleur ces derniers mois et dont l'un des tentacules n'est autre que le phénomène de la drogue. En effet, en ces deux années de ralentissement d'activité des services de sécurité, de véritables réseaux spécialisés dans la vente et le trafic de drogue se sont tissés à Tizi Ouzou. De là, on peut même dire que la drogue-connection a fait main basse sur la Kabylie. Les chiffres sont effroyables, et de mémoire de Kabyle, jamais la région n'avait été aussi envahie par les narcotiques. La délocalisation des brigades de gendarmerie, rompues à ce genre de luttes a permis à de petits dealers du coin de se métamorphoser en caïds au bras long et qui s'étend même au sein des brigades de stupéfiants. Les statistiques de toxicomanie et de saisies montrent que ce phénomène progresse rapidement devenant un problème social majeur avec ses graves corollaires que sont la violence et le crime. De par sa situation géographique, Tizi Ouzou est stratégiquement bien placée pour attiser les convoitises des trafiquants. Proche d'Alger et occupant une position médiane entre l'Est et l'Ouest, la ville des Genêts sert généralement de lieu de transit à la drogue entre les deux régions. Présentement les gros bonnets ont pignon sur rue à Tizi Ouzou. Ils sont facilement repérables à leur jeunesse et leurs signes extérieurs de richesse. Eux, ils se salissent rarement les mains. Il existe toujours des petits sous-fifres, payés au pourcentage pour la revente. Extrêmement vigilants et les sens plus qu'en éveil, les dealers s'installent généralement aux angles des rues ou au seuil des portes cochères des immeubles. Pour parer aux rafles surprises de la police, les revendeurs ne portent jamais la marchandise sur eux. Pour cela, une cachette secrète et surveillée de loin est souvent l'astuce utilisée. A Tizi Ouzou la spécialité locale est le cannabis, appelé communément «kif, zetla ou chira». Autant d'appellations pour une et même drogue qui arrive droit de Maghnia et/ou Oran, plaques tournantes du trafic de stupéfiants à l'échelle nationale. Le kif est extrait d'une plante, le chanvre indien. La substance euphorisante est appelée la tetrahydrocannabinol (THC) et la fumée de cannabis inhalée contient deux fois plus d'éléments cancérigènes que la fumée du tabac ordinaire. Ici le haschisch n'est pas très prisé. Le marché est inondé par le kif qui arrive en plaquettes traitées de 100 grammes appelées dans le jargon des dealers feuille (warqa) dont le coût est de 12.000 DA. Une fois détaillée à l'aide d'un cutter en morceau de 100 DA et 200 DA, la plaquette rapporte jusqu'à 10.000 DA de bénéfice. La durée d'écoulement de 100 g de kif dépasse rarement deux journées.