De 1989 à 2003, quatorze ans de blocage font du traité de Marrakech un texte obsolète. Le Maroc trouve toujours le moyen de bloquer l'édification de l'Union maghrébine. Pour contourner la pression américaine de la nécessité de traiter le problème du Sahara dans son cadre onusien, les représentants du royaume chérifien, présents à la réunion ministérielle, sortent la carte des frontières entre l'Algérie et le Maroc, dont ce dernier et le principal responsable. Les manoeuvres marocaines ont poussé les autres membres de la future Union à chercher une alternative pouvant bloquer le Maroc. Il s'agit de réviser d'une manière profonde le traité de Marrakech. Ce dernier, et selon toute vraisemblance, a des lacunes outrageusement utilisées par le Maroc depuis 1989. La visite de William Burns n'a pas été sans effet à ce propos. Ce dernier aurait, selon des sources diplomatiques, prié le monarque chérifien de lâcher prise. D'autant plus que le dernier discours de la fête du Trône avait carrément chamboulé les calculs, non seulement des Américains, mais aussi de l'Europe et des autres membres de l'UMA. Depuis l'annonce du traité de Marrakech, en 1989, le Maroc n'a, en fait, raté aucune occasion de donner le sentiment à l'opinion internationale que le problème est algéro-marocain, sans considération aucune pour les autres membres de l'UMA qui sont restés impuissants par l'entêtement du palais royal. C'est cette même politique qui a enlevé toute leur sève à tous les sommets des chefs d'Etat empêchant pendant 7 ans toute tentative de rencontre de chefs d'Etat. En 1994, ce fut le coup de grâce puisque le conflit bilatéral a été créé d'une manière effective, par l'instauration par le Maroc du visa. Une politique à contre-courant, qui a non seulement remis en cause le traité de Marrakech, mais aussi le principe même de l'UMA, consacré par la rencontre de Tanger 1998. A l'époque, le problème du Sahara occidental ne se posait même pas. L'Union du Maghreb arabe (UMA) se retrouve toujours otage d'une politique conflictuelle marocaine. Peut-elle être réduite à un simple problème de territoire alors que le but de l'UMA est de créer un espace maghrébin, puis euroméditerranéen. Même si les dirigeants algérien et tunisien ont tenté, lors des dernières rencontres à ce niveau, de tempérer la portée du report du 7e sommet de l'Union, qui ne s'est pas tenu depuis 1995. Le malaise de l'UMA s'est accentué avec la position de Kadhafi, qui exige à la Mauritanie de rompre ses relations diplomatiques avec Israël, comme préalable à sa présence aux sommets de l'Union. Ces exigences n'ont pas été au goût des Mauritaniens qui ont menacé de boycotter le sommet. Depuis sa création en 1989, l'Union du Maghreb arabe a toujours été otage de ses dirigeants: il suffit qu'un Etat prenne une position politique qui déplaise à un autre Etat membre pour que les relations soient gelées, voire détériorées. Un traité trop vieux pour 2003. Pourtant, il est clairement dit que la question du Sahara occidental, pour ne citer que celle-là, devait être laissée aux soins de l'ONU. Or, à la veille de chaque rendez-vous maghrébin, les Marocains remettent la question sur le tapis, estimant qu'elle ne peut être mise «entre parenthèses» et qu'il s'agit, pour eux, d'une question «d'intégrité territoriale». Les relations, par trop passionnelles, entre les pays de la région ont toujours évolué au gré des circonstances, d'où le peu d'empressement, les blocages et, souvent, le gel des activités de cet ensemble régional. En dépit des encouragements des Etats-Unis d'Amérique, par le biais de l'initiative Eisenstat, et de l'Union européenne, les dirigeants de l'UMA n'ont jamais pu dépasser leurs divergences et n'ont jamais su placer les intérêts économiques au-dessus des susceptibilités traditionnelles. Les multiples conventions signées par les cinq Etats de la région, aussi généreuses soient-elles, n'ont pu trouver le chemin de l'exécution. Pire, c'est le fonctionnement des structures mêmes de l'UMA qui est mis en cause avec le droit de veto dont dispose de fait chacun des Etats membres qui peut, à tout moment, bloquer tout projet lui déplaisant ou qu'il juge secondaire, tout comme il peut geler les activités de l'Union, comme l'a fait le Maroc en 1995. C'est d'ailleurs pour cela que l'Algérie tente, à travers la demande de révision du traité de Marrakech, de sortir de ce blocage. Le conseil consultatif, en dépit des nombreuses réformes apportées, n'arrive toujours pas à jouer le rôle d'un Parlement et les dirigeants de l'UMA ne semblent pas pressés d'opérer cette mue. Mais c'est sur le terrain économique que les blocages se font de plus en plus ressentir. Les échanges commerciaux entre les Etats de la région ne dépassent pas les 5 %, alors que d'énormes potentialités existent pour démultiplier ce taux. Il faudrait remonter au début des années 90, lorsque l'Union européenne a entamé les négociations avec les pays de la région afin de conclure les accords d'association pour situer les raisons de cette faiblesse des échanges. Alors que l'Algérie plaidait pour une négociation «en bloc» des trois pays de l'Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie), les deux autres pays ont préféré négocier et conclure séparément des accords avec l'UE. L'Algérie vient, tout juste, de signer cet accord. Du coup, les multiples tentatives de faire un bloc économique, du moins, pour les achats groupés des matières de première nécessité, ont toujours buté sur des considérations superflues, obligeant chaque pays à demeurer dépendant de ses fournisseurs traditionnels et d'un marché mondial en pleine mutation. Les rares projets communs qui ont vu le jour entre les pays de la région ont été le fait de politiques volontaristes, à l'image des deux gazoducs algériens transméditerranéens, qui traversent les territoires marocain et tunisien et qui bénéficient à ces deux pays.