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Oubliés…au-delà de la misère
Les habitants des domaines de la Mitidja
Publié dans Liberté le 31 - 05 - 2003

Le séisme du 21 mai n'a pas touché que les villes de l'Est algérois. De nombreuses bâtisses qui, durant l'époque coloniale, étaient dans leur majorité des fermes appartenant à des colons, se sont effondrées elles aussi. Situées le long de l'autoroute menant vers Boumerdès et remarquables par leur style, ces vieilles demeures offrent un spectacle de ruines depuis la date fatidique.
Ce que le simple citoyen peut remarquer sur son chemin, notamment en allant offrir de l'aide aux sinistrés, échappe au regard des autorités qui refusent de voir et semblent ignorer le sort des habitants. “Des tentes, de l'eau et un peu de considération, c'est tout ce que nous demandons.” C'est la phrase que nous avons entendue dans l'ensemble des familles auxquelles nous avons rendu visite jeudi. Une revendication reprise comme un leitmotiv, tellement ces gens se sentent méprisés.
À l'ex-EAC des frères Mahsas rattachée à la commune de Tidjellabine dans la daïra de Boumerdès, on dénombre 2 morts (2 femmes) et 6 blessés dont 2 enfants de 7 ans qui se trouvent toujours à l'hôpital Parnet. On nous signale, également, que parmi les 250 familles que compte le haouch, 90 sont sinistrées à 100% et seulement 7 tentes leur ont été distribuées par l'APC. Les habitants qui ont pour seule infrastructure un centre de soins et une école primaire de trois classes, ont pourtant tout fait, par le biais de leur comité de quartier, pour quitter ces bâtisses centenaires dont le temps commençait à en avoir raison depuis longtemps. Ils dénoncent le louvoiement des P/APC qui se sont succédé depuis 1988, année de la signature du permis de lotir après que Kasdi Merbah, alors ministre de l'Agriculture, eut rendu visite à ce qui était une entreprise agricole communale et qu'il eut décidé d'octroyer aux agriculteurs 184 parcelles de construction.
C'est ce que nous déclarent MM. Fergani Brahim et Djouamaï Mohamed, respectivement président et vice-président du comité de quartier, qui se battent depuis plusieurs années pour faire aboutir cette décision. “L'APC refuse de nous octroyer ces lots de terrain pour que nous puissions construire et quitter ces vieilles bâtisses qui menaçaient de tomber en ruine bien avant le séisme” nous disent-ils.
Plus grave, soulignent-ils, sur les 184 parcelles, 24 ont été octroyées en 1998 à un investisseur qui a réalisé, “en plein virage”, une station d'essence. Un projet auquel les occupants de l'ex-domaine s'étaient opposés vu le danger que la station représente, mais en vain. On dénonce, dans la foulée, la démolition par l'ancien P/APC d'un puits “datant de l'époque ottomane” qui servait à l'irrigation. Dans cette ferme de 22 hectares habitables, où certains continuent à exercer une activité agricole, les dégâts sont importants. Les toitures des demeures et des hangars sont tombées et des murs entiers se sont écroulés. À côté des ruines, un silo de 20 mètres de hauteur dont la base est ébranlée constitue un véritable danger.
Une salle de bains pour dormir
À défaut de tentes suffisantes, plusieurs familles s'entassent dans celles qui ont été distribuées pendant que d'autres s'arrangent comme elles peuvent.
Un cas aussi étonnant que grave nous a été signalé sur place. Un des habitants, Nouni Abdelkader, n'a pas trouvé d'autre solution que d'abriter sa famille (sa femme enceinte et ses deux enfants) dans la minuscule salle de bains érigée dans sa courette, en passant par les sanitaires. Dans la villa Lamy (du nom de son ancien propriétaire) qui devait être une somptueuse demeure et qui aurait 230 ans selon la famille Sedra, prendre le risque d'y habiter depuis le séisme du mercredi 21 mai est un véritable péril. Sols et murs ne tiennent qu'à un fil, l'escalier à l'intérieur du hall ressemble à une balançoire.
Sur le sol de la cuisine de l'une des six familles occupant la vieille bâtisse, un grand trou dans lequel une table est tombée. Dans une des pièces, on nous montre le mur qui s'est effondré sur la jambe de Sedra Mohamed dont la fracture s'est compliquée après un accident de la route. Selon son frère Noureddine, la demeure aurait tenu si la troisième tranche prévue pour sa restauration n'avait pas été bloquée. Tous les habitants s'accordent à relever le mépris du P/APC de Tidjellabine, qui “ignore les ruraux”, en indiquant qu'ils ont reçu la visite réconfortante du maire de Boufarik et d'une Française qui leur a fait don de bouteilles d'eau minérale. “Les autorités locales ne viennent vers nous que lors des campagnes électorales”. Même constat amer à l'ex-domaine Mohamed-Brancy (ex-Khemisti) qui compte 20 haouchs et qui relève de la commune de Rouiba. “Cité sinistrée. Où est l'APC de Rouiba ?”, mentionne une banderole accrochée à l'entrée, à côté de l'emblème national. “Personne n'est venu nous voir. L'APC et la Protection civile nous ignorent alors que nous les avons interpellées, notamment le maire de Rouiba qu'une délégation a sollicité à trois reprises et qui a pourtant promis de venir”, souligne Chambi Boualem, le président de l'association El-Wiam, qui gère les problèmes de haouch Fidilich, où vivent 29 familles qui se disent oubliées des autorités en dehors des élections. “Ce haouch est abandonné depuis les années 1980”, déplorent les chefs de famille qui nous montrent les dommages subis par les bâtisses déjà délabrées.
Des piliers fendus, de larges fissures, des toits qui menacent de tomber et une façade qui s'est détachée vers l'extérieur. La ferme était vouée à la démolition après le séisme d'El-Asnam de 1980, nous dit-on. Ici, on nous signale 3 blessés dont 2 sont encore hospitalisés. “Ce que nous avons demandé, ce sont des tentes et de l'eau. Nos enfants sont dans la rue et nous avons des femmes enceintes qui supportent très mal cette situation. Nous ne sommes pas de nouveaux débarqués, le dernier d'entre nous est ici depuis 1964.”
Sous un abri de fortune fait de couvertures, de bouts de carton et de contreplaqués où “loge” la famille Mellouk ; un bébé de quatre jours pleurait dans les bras de sa jeune mère qui ne disposait d'aucune commodité.
La misère est visible partout chez les habitants entassés presque par vingtaine dans des gîtes de fortune, comme ce couple de vieillards appartenant à la famille Kamoum qui a trouvé refuge dans un vieux conteneur. “Rana fouk el-mizirya” (Nous vivons au-delà de la misère), lance une jeune fille que nous avons croisée durant notre “périple”. Documents à l'appui, Yachir Rabah, le vice-président de l'association, évoque tous les problèmes pour lesquels le maire a été maintes fois saisi, sans donner suite. Des problèmes liés notamment au transport et au manque d'eau, et ce, depuis 1984. “Nous avons perdu 8 des nôtres sur cette autoroute à cause de ce problème. La sonde la plus éloignée n'est pourtant qu'à 300 mètres d'ici alors que la plus proche se trouve seulement à 40 mètres de chez nous”, signale-t-il.
“Nous n'avons rien, mais la faim ne tue pas”
Dans l'ex-domaine Aïssa-Bouraâda situé sur le territoire de la commune de Réghaïa, les 12 familles vivent une véritable détresse après les intimidations du bénéficiaire de l'EAC. Celui-ci les pousse à l'émeute depuis l'effondrement d'une partie de l'ancienne cave vinicole qui servait de hangar où était entreposé son matériel agricole. Ces gens, d'une grande simplicité, sont pourtant touchés par le séisme qui a achevé l'œuvre du temps sur leurs vieilles demeures, mais elles refusent de tomber dans le jeu de cet homme. “Nous ne l'avons jamais vu depuis qu'il a bénéficié de l'EAC, et maintenant, il vient nous menacer”, crie, hors d'elle, une vieille femme. “Nous sommes ici depuis 40 ans, nos enfants et nos petits-enfants y sont nés. Nous ne savons plus à qui nous adresser !”, renchérit Maâmerit Rabah, un sexagénaire, qui affiche sa résignation face à la catastrophe qui frappe notre pays. “Nous pensons beaucoup à ceux qui ont perdu les leurs, ce qui nous incite à accepter notre sort, puisque nous sommes indemnes”, nous confie-t-il, tout en déplorant l'absence des autorités. “Nous n'avons eu ni logements ni terrains en dépit de nos demandes et nous sommes arrivés à ne demander que de l'eau et des tentes. Qu'on vienne seulement nous montrer de la considération. Nous n'avons rien, mais la faim ne tue pas”, affirme humblement, mais dignement le vieux Maâmerit Rabah. Une leçon à méditer par les élus qui se sont servis des voix de ces damnés de la terre.
R. M.


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