Retour à la case départ : nombre de constructions confortées depuis présentent autant de fragilités qu'à la veille d'un tel tremblement de terre. Et le vieux bâti, c'est-à-dire des centaines de milliers de logements vétustes dans les grandes villes, reste très vulnérable. Le dossier de l'enquête, ouverte par l'Etat au lendemain du séisme pour faire toute la lumière sur cette catastrophe et situer les responsables des différents intervenants, a confié un des experts consultés, a été pris en charge d'une manière sérieuse par le magistrat près le parquet de Boumerdès. Le juge est arrivé à conclure, avoue la même source, de façon la plus technique et la plus impartiale en matière de responsabilité de l'ensemble des intervenants concernés de près ou de loin par l'effondrement des ouvrages. Le dossier a nécessité une année d'enquête préliminaire effectuée par les services de la Gendarmerie nationale. Des milliers de personnes sont auditionnées parmi lesquelles des responsables d'entreprise, des victimes, des techniciens et des experts en bâtiment et même des particuliers qui étaient en fuite. Mais une chose est certaine, c'est que le coefficient de calcul de l'accélération sismique a été sous-estimé, explique l'expert, de plus de 400%. Les effets d'amplification du sol ne sont, selon lui, pas quantifiés dans le règlement parasismique algérien (RPA) de 1999. Ce qui, par voie de conséquence, pose un gros problème pour la détermination de la responsabilité des uns et des autres dans la catastrophe. Il est clair que les wilayas d'Alger et de Boumerdès sont classées zones de moyenne sismicité, soit zone 3. Cette classification a été, faut-il le préciser, fortement contredite par le séisme du 21 mai 2003. Certes, des entrepreneurs véreux ont leur part de responsabilité dans les effondrements en trafiquant sur les matériaux, les dosages, mais il serait difficile, souligne notre source, de prononcer un arrêt, un jugement définitif vu les défaillances majeures de la réglementation en vigueur avant le séisme (RPA 1999). Ainsi, toute enquête post-sismique sur les ouvrages qui se sont effondrés doit être judicieusement menée et précisément documentée sur chaque ouvrage, entre autres, la présence d'un huissier de justice est indispensable pour donner une crédibilité à tous les prélèvements de matériaux (acier, béton, carotage, sol…) effectués sur les sites des sinistres. Devant une telle situation, le Pr Abdelkrim Chelghoum, chercheur en numérique et génie parasismique, affirme qu'il est grand temps de mettre en place un groupe d'experts (task-group) pluridisciplinaire relevant de la plus haute instance du pays, étant donné l'importance capitale de cette mission, pour l'élaboration d'un code parasismique touchant toutes les catégories d'ouvrages et permettant de procéder au renforcement et à la réhabilitation de tout le bâti qui sera jugé fragile par rapport aux effets sismiques. Car, la réglementation en vigueur, reconnaissent-ils, est erronée ; elle est à revoir. La sécurité des ouvrages confortés est aléatoire L'autopsie des sinistres répertoriés sur les sites de Boumerdès et Alger-Est a montré que les causes principales des effondrements et endommagements préjudiciables des bâtiments ont pour origine une mauvaise appréciation des conditions géotechniques locales (conditions du sol) et une sous-estimation de l'accélération sismique prévue par le code algérien (RPA). Il est apparu au cours d'une expertise que les effets de site ont joué un rôle fondamental dans l'amplification des ondes sismiques au niveau des villages de Corso, de Zemmouri, le site des coopératives 1200-Logements de Boumerdès, des Issers, Dellys, Bab-Ezzouar et de Dergana. À l'exception de certains maîtres d'ouvrages qui ont parfaitement exécuté dans les règles de l'art certains modèles de confortement préalablement vérifiés sur les bases dynamiques drastiques dans la wilaya de Boumerdès, le reste des bâtiments réhabilités se trouve dans le même état de fragilité structurale tel qu'ils étaient avant le séisme. Le confortement d'un bâtiment classé Orange 4, par exemple, avec des mécanismes de ruine au rez-de-chaussée doit démarrer à partir des fondations à travers l'injection de nouvelles fondations et de nouveaux poteaux incorporant l'ancienne structure et ne pas se contenter d'un simple gainage de poteaux ou des éléments fissurés. Il faut tenir compte aussi du vieux bâti (bâti colonial en murs porteurs) des régions d'Alger, d'Oran et de Constantine dont la réaction face à une prochaine secousse tellurique risque d'être fatale. Les pouvoirs publics doivent savoir que la stratégie de renforcement change par rapport aux immeubles édifiés en béton armé. Dans ce contexte, les études de vulnérabilité pour ces trois grandes villes doivent normalement déboucher sur les méthodologies et procédures pratiques de réhabilitation et de renforcement parasismiques des ouvrages, des bâtiments qui seront sismiquement vulnérables. Ceci permettrait de réduire au maximum les pertes en vies humaines et matérielles dans le cas d'un séisme majeur. Pour rappel, le tremblement de terre d'il y a deux ans, qui n'est pas majeur, a engendré plus de 7 milliards de dollars US de dégâts matériels en quelques secondes et un nombre important de victimes, soit près de 3 000 morts. À cela, il faut ajouter le choc psychologique pour toutes les populations des zones ciblées. B. K.