Dans le système actuel, les ministres n'ont pas de pouvoir réel. Le chef de l'Etat vient de décider un programme de 1,5 milliard de dollars pour prendre en charge les effets du séisme du 21 mai ainsi qu'un ensemble de mesures et d'orientations pour prévenir des catastrophes de ce type. Ces décisions sont-elles à même d'éviter de nouvelles tragédies genre Boumerdès-Alger ou Bab El-Oued ? C'est un feu de paille, nous dit un expert. Cette sentence montre le peu de confiance accordé au système dont les erreurs et les errements passés ne sont guère à son avantage. C'est le moins qu'on puisse dire. Au regard des leçons non retenues du séisme de Chlef, on peut en douter. Les deux émissions de l'ENTV sur les malfaçons dans les constructions endommagées par le séisme ont donné un avant-goût des conclusions de la commission d'enquête. Les révélations de responsables du CTC et de bureaux d'études ont montré en filigrane là où l'Etat a failli. Un patron de bureau d'études a souligné qu'après le séisme de Chlef, il a été décidé la présence d'ingénieurs et de laboratoires sur les chantiers de logements. Une mesure pertinente pour empêcher la construction d'ensembles de mauvaise qualité et ne respectant pas les règles parasismiques, mais qui n'a été guère appliquée. D'où l'ampleur de la catastrophe du 21 mai. Les responsables présents au plateau imputent au manque de suivi l'ampleur des constructions endommagées. Le représentant du CTC de Constantine a confié qu'on n'a pas tenu compte des réserves du Centre de contrôle de la construction dans des dossiers. Le promoteur est passé outre, obligeant le CTC à se retirer. Le VTR montre dans un cas une construction effondrée, réalisée selon le document sans permis de construire, autorisée pour un R+2, mais qui s'est érigée en étages supérieurs. On a vu le béton tiré de bâtisses endommagées s'effriter. Ces mêmes responsables ont décrié l'absence de professionnalisme. N'importe qui s'improvise entrepreneur. L'absence de contrôle de la qualité du ciment et du rond à béton importé dans les ports a été également citée. Un ensemble de failles qui sont à l'origine de l'étendue de la catastrophe. Le gouvernement entend les résorber à travers une réglementation et un contrôle plus stricts. Une politique à long terme de prévention des risques tentera de s'attaquer aux causes de ces catastrophes et de réduire les risques de façon significative. En un mot, des solutions durables pour épargner à la population les souffrances semblables à celles d'aujourd'hui et limiter au maximum les pertes humaines et matérielles. Mais si, à court terme, il est presque sûr que le chef de l'Etat tienne ses promesses, surtout en matière de relogement des sinistrés, rien ne permet de penser que le travail de longue haleine pour éviter de nouvelles catastrophes sera poursuivi et que les mesures structurelles pour empêcher les constructions édifiées en dehors des normes requises et ne respectant pas les règles parasismiques soient appliquées. Tant que le système actuel, qui favorise les passe-droits, la corruption et la dilution des responsabilités, ne s'amende pas, l'Algérie continuera de subir les chocs récurrents de tragédies nationales. En l'occurrence, il est malheureux que le ministre de l'Habitat dénonce l'urbanisation sauvage, celui de l'Energie les constructions au-dessus des oléoducs et gazoducs, sans pouvoir intervenir pour arrêter ces faits graves. Quel est le pouvoir d'un ministre aujourd'hui, s'il ne peut stopper des dépassements ayant un lien avec son secteur ? Cette situation de dilution des pouvoirs aggrave les catastrophes et fait peser le spectre de drames humains plus graves. Cet aspect, le Conseil des ministres ne l'a guère abordé. De même, l'attention n'a pas été portée au contrôle aux frontières, qui influe sur la sécurité et la santé de la population. Par exemple, il est inadmissible aujourd'hui que le contrôle de la qualité des services du commerce ne s'étende pas au ciment, au rond à béton et aux autres matériaux de construction importés. N. R.