“C'est dans cet esprit que, en accord avec Monsieur le Président de la République et devant l'Assemblée populaire nationale de notre pays, devant le peuple algérien qui nous observe et qui espère, je lance une invitation fraternelle au mouvement citoyen des archs pour venir dialoguer autour de la plate-forme d'El-Kseur, rétablir la paix des cœurs.” Pour une première c'en est véritablement une. Les pouvoirs publics, par la voix du Chef du gouvernement, viennent de faire une offre de dialogue claire et sans ambiguïté au mouvement des archs. Ahmed Ouyahia, qui en a fait l'annonce hier devant l'APN, a pris l'air solennel et décisif qui tranche radicalement avec le discours politique ambiant sur cette question. Il dénote cette volonté sans faille de prendre le taureau par les cornes et de régler cette crise directement avec les porteurs légitimes de ce combat. En l'occurrence, le Chef du gouvernement invite les délégués, les vrais, du mouvement citoyen à venir dialoguer en choisissant eux-mêmes leurs représentants. “Cet appel est adressé au mouvement des archs directement auquel il reviendra de désigner lui-même ses représentants au dialogue”, lit-on dans le discours de Ouyahia. Le pouvoir semble donc décidé à ne plus rééditer le fameux dialogue version Allilouche qui avait débouché sur une impasse. Le nouveau Chef du gouvernement reconnaît, en effet, que “la crise a trop duré et que la question de l'heure est dans la paix civile d'abord au profit de la population de la région de Kabylie, ensuite au bénéfice de toute la nation…”. “C'est cette Algérie qui nous interpelle, archs et pouvoirs publics, pour sortir de cette impasse, dans l'unité nationale confortée et dans l'intérêt national rehaussé…” Décapant aveu d'échec d'une politique qui a longtemps privilégié la carotte et le bâton sur fond d'un cycle infernal de manifestation-répression ! Le pouvoir a enfin compris qu'il ne lui est plus possible de domestiquer un mouvement qui puise ses forces de la tragédie qu'a vécue cette région deux années durant. Cette invitation nette et sans bavures aurait malheureusement pu être lancée dès le départ pour éviter plus d'une centaine de morts et un millier de blessés, n'était l'entêtement inexplicable de ce même pouvoir qui misait naïvement sur l'essoufflement du mouvement. Mais, mieux vaut tard que jamais, la disponibilité du gouvernement Ouyahia à dialoguer avec les représentants authentiques des archs et autour de la plate-forme d'El-Kseur, comme cela a été revendiqué par le mouvement citoyen. Et, conscient de l'arrière-pensée électoraliste qui collerait forcément à cette offre de dialogue qui intervient à moins d'une année de la présidentielle, Ouyahia souhaite que cet appel “soit reçu et compris pour ce qu'il est, un appel du gouvernement algérien à des Algériens (…) qui n'a aucun lien avec un quelconque calcul politique, un appel qui s'inscrit d'abord et avant tout au service de l'intérêt national”. Les archs l'entendront-ils de cette oreille ? Wait and see. Il ne faut pas perdre de vue aussi l'attitude de Zerhouni qui s'est distingué tout au long des deux années de la crise par une incroyable maladresse dans la gestion de ce dossier, via ses déclarations à l'emporte-pièce qui ont, à chaque occasion, ajouté de l'huile sur le feu. Hier en tout cas, le ministre de l'Intérieur affichait un profil bas quand le Chef du gouvernement faisait lecture du chapitre réservé à la crise de Kabylie. Signe de réprobation ? Peut-être. H. M.