Manifestation de l'extrême gauche ultranationaliste devant la prison de Silivri, la banlieue d'Istanbul, pour exiger la libération de leur chef, Dogu Perinçek et d'autres activistes, à l'ouverture du procès d'ex-militaires accusés d'avoir fomenté un coup d'Etat. "Le procès du siècle", ont titré plusieurs journaux turcs pour annoncer de ce procès de "l'Ergenekon", un réseau ultralaïque et nationaliste qui a tenté de déstabiliser le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, un ex-islamiste au pouvoir depuis 2003. Pour la première fois dans l'histoire de la Turquie, d'ex-militaires sont traduits en justice, pour avoir formé un groupe armé et préparé un coup d'Etat. Outre deux généraux en retraite, des avocats, des journalistes, des politiciens et des universitaires figurent parmi les accusés. Selon les 2 500 pages de l'acte d'accusation, les 86 prévenus sont responsables d'une attaque contre le Conseil d'Etat où un juge avait été tué par balle en 2006 et d'attentats à la grenade contre le journal ultralaïque Cumhuriyet. Le réseau projetait aussi l'assassinat de personnalités telles que le romancier Orhan Pamuk, prix Nobel de littérature 2006, ou le maire kurde de Diyarbakir, Osman Baydemir. En semant le chaos, "Ergenekon" souhaitait pousser l'armée à un coup d'Etat. Un objectif qui faillit être atteint en avril 2007, lorsque l'état-major menaça le gouvernement d'intervenir pour "défendre la laïcité", que l'establishment laïc croit sapée par l'actuelle majorité islamiste. Les démocrates pur jus ont eux aussi applaudi le procès soutenu par le gouvernement islamiste car, selon eux, c'est également un coup sérieux contre le pouvoir des militaires qui a en mais l'Etat profond. Ce n'est pas un secret, dans l'armée, qu'un réseau clandestin où se côtoient militaires et groupes nationalistes mène la barque et bénéficie d'une totale immunité. Une impunité aujourd'hui remise en cause. Le procès Ergenekon est un tournant, a écrit le quotidien libéral Radikal, concluant que même s'il ne permettra pas d'éclaircir toutes les zones d'ombre, "c'est un début encourageant pour la démocratie". D. B.