Les deux tendances protagonistes, en guerre de leadership depuis plusieurs mois au sein du Congrès mondial amazigh, ont réussi, chacune de son côté, à tenir son congrès et à élire les nouveaux membres qui auront à gérer les affaires de cette organisation non gouvernementale de défense des droits des Amazighs. Un premier congrès a eu lieu, de jeudi à dimanche, au centre culturel de la ville marocaine de Meknès et a réuni environ 900 personnes, dont 450 congressistes, représentant plusieurs pays, et qui se sont penchés trois jours durant sur les questions relatives aux droits des Amazighs et des peuples autochtones dans le monde. Ces 5e assises, qui devaient prendre fin hier à Meknès, ont été organisées par l'aile dite de Belkacem Lounès, le président sortant, appuyé par 9 membres sur 10 du bureau mondial ainsi que 36 sur 39 membres du conseil fédéral de cette organisation. Parallèlement au congrès de Meknès, un autre congrès est organisé au nom du CMA, de jeudi à samedi dans la ville de Tizi Ouzou où quelque 70 personnes représentant des associations algériennes ont pris part aux travaux qui se sont déroulés en commissions et à l'issue desquels les participants ont débattu de la situation de la question amazigh, adopté une série de résolutions et de prépositions d'amendement des statuts du CMA, et élu les 15 membres du conseil fédéral d'Algérie, les membres du bureau mondial ainsi qu'un nouveau président pour le CMA, à savoir le Marocain Rachid Raha qui est, faut-il le souligner, le seul membre du bureau mondial sortant à s'opposer, en compagnie de 3 autres membres du conseil fédéral, à Belkacem Lounès. Il est à souligner que Rachid Raha et les trois autres membres du conseil fédéral, seuls membres officiellement affilés au CMA, n'ont pas pu prendre part au congrès de Tizi Ouzou, puisque la délégation de 36 personnes qu'ils conduisaient, tout comme d'ailleurs les quelques représentants du CMA en Europe, ont été empêchés par les autorités algériennes d'entrer sur le territoire algérien. Un arsenal répressif a été au même temps déployé autour du siège abritant le congrès de Tizi Ouzou qui allait être interdit dans un premier temps avant qu'il ne soit toléré à la dernière minute. Un état de fait d'ailleurs vigoureusement dénoncé dans le document portant les résolutions du congrès dans le cadre duquel ont été également dénoncé “les violations des droits humains, le déni identitaire, la paupérisation, la clochardisation, l'inégalité et l'exclusion sociale résultant des politiques d'Apartheid, d'acculturation et d'assimilation dans les pays de Tamazgha”. Ainsi donc l'éclatement redouté depuis plusieurs mois, soit depuis l'apparition du conflit sur le lieu de la tenue de ces 5e assises, a fini par se produire. Reste à savoir lequel de ces deux congrès sera validé par l'administration française, pays où le CMA avait obtenu son agrément en 1995. Sûrs de leur légitimité, les organisateurs du congrès de Meknès comptent directement déposer leur dossier au niveau de l'administration française, alors que les organisateurs du congrès de Tizi Ouzou comptent s'en remettre à la justice du même pays pour obtenir gain de cause. Quelle que soit, en tout cas, l'issue de cette affaire, il est à se demander que maintenant que l'on assiste à un CMA qui a emprunté exactement le même chemin de l'éclatement que le mouvement culturel berbère et le mouvement citoyen de Kabylie, si l'image et la crédibilité de cette ONG resteront intactes. S. L.