Rares sont les chantiers qui fonctionnent normalement. Qui est responsable et qui ne l'est pas dans l'hécatombe causée par le tremblement de terre du 21 mai dernier, qui a frappé les wilayas d'Alger et de Boumerdès et certaines régions limitrophes ? Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes, invité, hier, au Forum d'El Moudjahid, ne donne aucun nom, ne désigne aucune institution. Le président du Collège national des experts architectes a fait mieux. Il a mis à nu toutes les distorsions et l'anarchie qui règnent dans le secteur de l'habitat et des matériaux de construction. Du coup, la responsabilité ne peut être que globale. Et l'administration, donc l'Etat, de par son absence, en est le principal responsable. Sur le plan strictement légal, le code civil dans son article 554 stipule qu'en cas d'entorse, l'architecte et l'entrepreneur sont solidairement responsables dix ans après la réception définitive, prononcée par le bureau d'études techniques et le CTC, de l'ouvrage. En théorie seulement, car dans la pratique, l'architecte, comme l'ont souligné plusieurs intervenants, n'est pas écouté. Dans certains cas, il est “devenu un gêneur qui retarde la célérité des chantiers”. En parlant justement des chantiers, M. Boudaoud affirme que rares sont les chantiers qui fonctionnent normalement. “On ne trouve pas de tamis sur les chantiers. Aucune entreprise ne dispose de labo. Quel est le bureau d'études pluridisciplinaire ?”, constate l'invité du Forum d'El Moudjahid. Selon lui, pour tout projet, il faut la présence d'un directeur des travaux représentant l'entreprise et une équipe pluridisciplinaire permanente du bureau d'études technique (BET) sur le chantier. Ce qui ne se fait pas aujourd'hui. Pis l'administration, semble-t-il, limite les visites du BET à quatre par mois, à raison de une par semaine, pour des raisons financières. Le suivi ne peut être que médiocre. Des sacs de ciment qui doivent contenir 50 kilogrammes, en contiennent moins. Les entreprises de construction sont actuellement classées selon le nombre d'ouvriers et le chiffre d'affaires. Aucun texte ne fait référence à la qualité de l'effectif. Autant d'aveux qui devraient interpeller les pouvoirs publics et les pousser à mettre de l'ordre dans le secteur de l'habitat avant qu'une autre catastrophe ne survienne. “Des lois existent”, souligne Boudaoud, mais elles ne sont pas appliquées. Des cités entières, à Garidi, Bab Ezzouar, Aïn Naâdja…, selon lui, ont été bâties sans permis de construction. Rares sont les entreprises, y compris les promoteurs publics, qui font les études de sol. Les architectes qui ont visité les régions touchées par le séisme sont revenus avec “des images hallucinantes”, pour reprendre l'expression utilisée par une architecte.“Des erreurs de façonnement ont été fatales dans l'écroulement de certaines bâtisses”, fait-elle remarquer. Des personnes, qui ont un cahier des charges pour R+1, ont construit des R+4. Où est l'Etat ? Pourquoi n'est-on pas intervenu ? Et qui devait intervenir ? Autant de questions auxquelles il faudra bien un jour répondre. L'Etat n'est pas le seul responsable. Il est peut-être le principal, mais il n'est pas le seul. Les architectes eux-mêmes estiment qu'ils portent une certaine responsabilité. D'autres affirment que le métier d'architecte “est rongé par la corruption” et qu'il “faut moraliser la profession”. “Nous n'avons pas de code de déontologie”, soutient un intervenant. M. R.