L'on peut censurer un livre, couper un arbre, mais l'on ne peut jamais «censurer»un bâtiment une fois réalisé. «La politique effrénée du nombre et la construction dans la hâte et la précipitation ont tué l'Algérien, mais l'Etat n'est pas responsable puisqu'il donne l'argent. C'est plutôt l'administration ‘‘mineure'' et les techniciens inexpérimentés qui sont coupables, soit par ignorance, soit par inexpérience: une incompétence qui coûte finalement cher en cas de catastrophe», nous dit M.Abdelhamid Boudaoud, urbaniste et président du collège national des experts architectes algériens et vice-président du collège des experts maghrébins. Mais sachons d'abord que les ondes émises par un séisme peuvent être amplifiées par la structure des bâtiments. L'effet de site modifie localement l'amplitude des ondes. Une carte de risque définitive prend en compte la nature du sous-sol sur lequel est construite une ville afin de déterminer s'il peut amplifier ou non les ondes provenant d'un tremblement de terre lointain. L'étude du risque sismique global prend en compte l'instabilité de versants ou la liquéfaction des sols susceptible de créer des mouvements de terrain à la suite d'un séisme. A partir de toutes les informations - entre autres tous les éléments pouvant entraîner les dégâts tels les éléments liés au sol, au bâtiment, à la topographie - l'administration peut «classer» une région administrative (en général une wilaya) zone «à risque» ou non. Cela a ensuite une importance capitale pour les règles de sécurité face aux risques naturels comme les permis de construire par exemple. Mais comment sont délivrés ces derniers en Algérie? Pour répondre à cette question, nous nous sommes rapprochés de M.Abdelhamid Boudaoud, qui vient de rentrer d'un colloque en Italie. Un pays ébranlé par un séisme en 1980 mais qui a su y faire face grâce à son Agence nationale de gestion des catastrophes. Derechef, Boudaoud divulgue un certain nombre d'incohérences qui, même si elles semblent anodines au départ du fait d'une certaine culture ambiante de connivence, de pots-de-vin et de laxisme, font à terme le lit de drames incommensurables et qui endeuillent toute une nation. Ainsi de fil en aiguille, nous apprenons que notre pays, qui jouit d'une des meilleures réglementations du bâti au monde, n'a jamais accordé à l'architecte l'importance qu'il mérite. «Le jour où l'on a opté pour le F1, c'est là où l'on a insulté l'architecte», nous dit-il, non sans rappeler les lois draconiennes qui balisent l'acte de bâtir dont la loi 90-29 du 1er décembre 1990, relative à l'aménagement urbain ou le décret 176-91 du 29 mai 1991 ou encore le RPSA (règlement parasismique algérien) qui doit apposer sa signature à chaque ouverture de chantier. Non sans évoquer la carte sismologique qui existe mais dont personne ne tient compte. Ce qui représente autant de batteries juridiques sévères. Par son langage passionné, Boudaoud laisse entendre que l'Algérien a perdu le sens de la mesure en optant pour des tours dont il ne minimise pas encore l'art de vivre et autres constructions anarchiques poussant comme des champignons non sans étayer ses dires par la ville «spontanée» d'El-Hamiz. «Dans ce dernier centre, à Réghaïa et Rouiba, nombreuses sont les constructions qui n'ont pas leur permis de construire. La responsabilité est celle du maître de l'ouvrage, mais la faute incombe également à l'administration», renchérit-il. Boudaoud, qui appelle à la formation continue et au recyclage des responsables locaux de l'habitat, milite, par ailleurs, pour une totale réhabilitation de l'architecte pour que l'édification des villes ne soit plus l'affaire de chefs de chantier incultes et de maçon au service «des moins-disants des architectes.»