Sur la validation du projet de révision constitutionnelle par le seul vote du Parlement sans le soumettre à l'approbation du peuple par voie référendaire, Ahmed Ouyahia a rétorqué que cela relève “d'un choix souverain et d'une contrainte de délais”. Lors d'une conférence de presse qu'il a animée juste après l'adoption du projet de révision constitutionnelle par le Parlement réuni avec ses deux chambres, hier, au Palais des nations, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a confirmé qu'il remettrait sa démission au président de la République dès la promulgation de la nouvelle mouture de la Constitution. “Le poste de chef du gouvernement n'existe plus. C'est normal que je démissionne”, a-t-il affirmé. Il a refusé, néanmoins, de se prononcer sur sa reconduction potentielle à la tête de l'Exécutif en qualité de Premier ministre. “Par esprit légaliste et par respect aux pouvoirs du président de la République, je ne me lancerai pas dans des conjectures sur ma nomination en tant que Premier ministre”. Au-delà de cette réponse basique, l'homme, connu pour ses capacités de “vendre des passe-montagnes à des sénégalais”, pour reprendre l'expression de Michel Audiard, a été épinglé par les représentants de la presse nationale sur l'incongruité de certains amendements introduits à la loi fondamentale et sur ses propres contradictions. Naturellement, il a évalué l'importance du changement opéré à l'article 74 par le respect du choix des électeurs. “La volonté du peuple ne se discute pas”, a-t-il avancé, avant de lancer un argument plus massue, de son point de vue : “Rien ne limite les mandats des parlementaires, des maires, des membres des APW et… des responsables des partis politiques au moment où les mandats du chef de l'Etat sont limités. C'est une situation anormale.” Il a invectivé durement les opposants à la présidence à vie, puis leur a recommandé de “cesser de faire de la démocratie à l'ombre d'un seul article”. Il s'est interrogé sur les raisons qui les ont empêchés de faire campagne contre le troisième mandat dès décembre 2007, c'est-à-dire à l'époque où les partisans de la réélection du président Bouteflika à la magistrature suprême à la faveur de la présidentielle de 2009 ont commencé à monter au créneau. Il a été rappelé alors à M. Ouyahia qu'il avait défendu, en 1996, en sa qualité de chef de l'Exécutif, le principe de limitation des mandats présidentiels, constitutionnalisé – sur initiative du président Liamine Zeroual – par la double voie parlementaire et référendaire. Douze ans après, c'est l'abrogation de cette disposition, qu'il avait présentée à l'époque comme un accès de l'Algérie au cercle privilégié des grandes nations démocratiques, qu'il arbore sous les formes de l'inusable “acquis démocratique”. “Ce n'est pas la même conjoncture. L'Algérie vit aujourd'hui, dans des meilleures conditions par rapport aux années précédentes, notamment sur le plan de la sécurité”, a-t-il répondu au journaliste qui l'avait interpellé sur son positionnement en faveur d'un principe et de son contraire, non sans avoir emprunté, auparavant, un chemin sinueux comme pour faire oublier l'énoncé de la question. Sur le danger inhérent à l'accaparement de la plus haute fonction de l'Etat par un islamiste, qui aura toute latitude de conserver ce poste autant qu'il le voudra grâce au nouvel amendement, le chef du gouvernement a estimé que “la protection de l'Etat de l'extrémisme n'est pas dans l'article 74, mais dans la lutte par les idées et non pas par l'invective et l'anathème”. Sur la validation du projet de révision constitutionnelle par le seul vote du Parlement réuni avec ses deux chambres sans le soumettre à l'approbation du peuple par voie référendaire, Ahmed Ouyahia a rétorqué que cela relève “d'un choix souverain et d'une contrainte de délais”. Il a rappelé que la loi fondamentale autorise le chef de l'Etat à mettre en application sa nouvelle constitution dès qu'il obtienne le vote favorable des des membres du Parlement. Il a expliqué ensuite qu'il n'était pas possible d'appeler les électeurs aux urnes deux fois en espace de quelques semaines. “Le référendum doit se tenir dans un délai de 50 jours à compter de la date d'adoption du projet par le Parlement. Ce qui nous aurait amenés à début janvier. Appeler le peuple à un référendum en janvier puis le rappeler pour voter à l'élection présidentielle en avril est fatigant”, a-t-il soutenu. Sur la contradiction née du fait d'astreindre le gouvernement à soumettre à l'approbation des parlementaires son plan d'action alors qu'il est tenu à appliquer strictement le programme du président de la République élu aux suffrages universels, le futur ex-chef du gouvernement a cité l'exemple de la France. Ce qui ne convient pas particulièrement au cas de l'Algérie, puisque le Premier ministre français est nommé parmi les élites du parti majoritaire à l'Assemblée nationale. Ahmed Ouyahia n'a pas, non plus, bien précisé pourquoi c'est le Premier ministre qui démissionne dans le cas du vote d'une mention de censure contre sa déclaration de politique générale alors qu'il n'est, au regard de la nouvelle constitution, que le coordinateur de l'équipe gouvernementale qui exécute le programme du chef de l'Etat. Interrogé sur l'éventualité de la révision dans l'immédiat de la loi organique portant régime électoral, le chef de l'Exécutif a assuré que ce projet “n'est pas nécessaire avant la présidentielle, mais qu'il interviendra avant les prochaines élections législatives et locales”. La raison étant de mettre en œuvre les dispositions relatives à la promotion de la position de la femme dans les assemblées élues. Souhila Hammadi