Mme Christiane Perregaux est membre du Comité exécutif du Bureau international pour le respect des droits de l'homme au Sahara occidental (Birdhso). Elle est également militante au Comité suisse de soutien au peuple sahraoui et auteure de plusieurs ouvrages sur l'ancienne colonie espagnole, dont Femmes sahraouies, femmes du désert et l'Ecole sahraouie : du nomadisme à la guerre de libération. Liberté : Comment expliquez-vous l'intérêt grandissant du mouvement de solidarité au peuple sahraoui pour les droits humains. En quoi ces droits concernent-ils une question de décolonisation comme celle du Sahara occidental ? Mme Christiane Perregaux : Devant les violations violentes, constantes, individuelles et collectives des droits de l'homme au Sahara occidental occupé, dans le silence complet pour ne pas dire complice de la communauté internationale, représentée ici par l'ONU, la lutte pour les droits humains et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes prennent une signification politique exemplaire et indispensable, dans la lutte du peuple sahraoui et pour ceux et celles qui la soutiennent… Lors des travaux d'atelier (atelier des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara occidental, ndlr), certains ont d'ailleurs rappelé que les droits de l'homme représentent actuellement l'unique instrument pacifique. Dans cette lutte, on rencontre des obstacles qui sont identiques aux obstacles politiques et nous cherchons à occuper d'autres espaces pour avancer. Nous pensons que les droits humains peuvent nous en offrir. Avec l'élargissement du mouvement de solidarité, pensez-vous qu'il y a nécessité de redéfinir l'enjeu des droits de l'homme, à la lumière des nouveaux développements qui concernent la question sahraouie ? La solidarité envers le peuple sahraoui s'élargit heureusement, mais elle doit aussi savoir définir des objectifs précis, particuliers, avec une analyse précise de la situation. C'est ce que nous avons essayé de faire au niveau de l'atelier. Cette solidarité doit être une force de pression sur les Etats, une force qui rassemble des ONG, pour aboutir à une reconnaissance internationale de la situation actuelle qui n'admet plus le statu quo. Concernant les droits humains, nous cherchons à la fois à sauver des vies, ce qui est un objectif urgent, et à nous battre politiquement dans l'espace que nous donnent les droits humains. Notre discussion, au sein de l'atelier, a porté, entre autres, sur l'élargissement du mandat onusien en vue du respect des droits humains dans les territoires occupés du Sahara occidental. Si nous nous heurtons au même blocage que le politique (traditionnel), nous devrons alors chercher d'autres mécanismes où les obstacles, bien que présents, seraient néanmoins moins forts. Les droits de l'homme nous poussent à trouver de nouveaux espaces d'actions qui ont un véritable impact politique. Vous vous êtes déjà rendu dans les territoires sahraouis sous occupation marocaine. Que tirez-vous de cette expérience ? Notre visite, en 2002, au Sahara occidental, nous a permis de saisir plusieurs aspects du peuple sahraoui et du territoire. En résumé, l'occupation est perceptible à travers les contrôles, les humiliations quotidiennes des Sahraouis que nous avons rencontrés et à travers tant d'autres choses : déplacements, chômage, menaces, intimidations, sans oublier la torture, la prison et les disparitions. La population sahraouie est une population courageuse et déterminée. Je me souviens de la résistance sans faille de nombreux Sahraouis, hommes et femmes. Malgré les intimidations, 30 à 50 personnes sont venues témoigner des disparitions de leurs proches, alors que la maison dans laquelle nous nous trouvions était entourée des forces marocaines. Quant aux Sahraouis activistes des droits de l'homme, ils continuent leur lutte et l'intensifient, en dépit des dangers. Certains d'entre eux, que nous avons d'ailleurs rencontrés, sont d'anciens disparus qui poursuivent leur combat. Nous avons découvert un pays, avec des bords de mer, des villes et des oasis qui respirent l'occupation, alors qu'ils devraient respirer la liberté. H. A.