C'était un événement en soi. Cet automne, à l'occasion du 1er FIBDA d'Alger, tenu le mois dernier à Alger, les éditions Lazhari Labter ont publié un album de bande dessinée, avec le soutien du ministère de la Culture. Une BD policière, qui plus est. Celle-ci est née des plumes de Mohamed Bouslah (plus connu sous le pseudo de Mim) et… de Yasmina Khadra. le Dingue au bistouri est en effet une adaptation d'un des premiers romans de Mohamed Moulesshoul, sorti en 1990, aux défuntes éditions Laphomic. L'auteur a, selon Mohamed Bouslah, donné immédiatement son accord pour ce projet. Il en résulte cette BD qui appartient au genre particulier de l'adaptation littéraire, exercice plus difficile qu'on ne le croit – voir le travail magnifique de Tardi sur Voyage au bout de la nuit, de Céline. Le commissaire Llob est un policier compétent mais qui a des difficultés avec sa hiérarchie. Dans cet Alger de la fin des années 1980, son caractère rebelle et direct ne plaît pas trop. Un jour d'ennui, il reçoit un coup de fil à faire glacer le sang. Un drôle de quidam l'“invite à suivre en direct la mort d'un être humain”. Llob croit à la plaisanterie macabre, jusqu'à un appel de ses collègues, le lendemain lui fasse comprendre le sérieux du Dingue au bistouri, “qui ne compte pas s'arrêter là”. Ainsi démarre l'enquête du commissaire, sur les traces de ce mystérieux correspondant téléphonique qui semble s'être pris d'amitié pour lui, “un flic honnête”. Le trait réaliste de Bouslah, son travail au lavis (aquarelle) se prêtent particulièrement au polar. Graphiquement très fluide, le Dingue au bistouri est en revanche alourdi par son manque de distance au roman. Le découpage trop fidèle, les textes trop longs et les bulles interminables nuisent ainsi à la lecture. Cette trop grande proximité met également en lumière les qualités mais aussi les défauts du roman qui en est l'origine. L'argot employé, l'obsession du jeu de mots et de l'aphorisme, les postures bravaches du héros, sa haine suspecte des nantis, s'ils ne sont pas inhabituels dans le polar, sentent un peu le renfermé. Le roman a incontestablement mal vieilli, malgré les efforts notables de Bouslah. Il a donc manqué un vrai travail d'adaptation, de scénario… et d'édition. Le Dingue au Bistouri, première BD algérienne depuis des lustres, aurait ainsi mérité une couverture moins laide, cartonnée de préférence. D'autant plus que le livre a reçu le soutien du Fonds national des arts et lettres… R. A.