Les pouvoirs publics devront-ils réviser le programme d'investissement en cas de persistance de la crise financière mondiale ? La question est d'actualité. La crise financière actuelle remet au goût du jour la vieille problématique de l'efficacité des dépenses publiques. Aujourd'hui des économistes, à l'image du professeur Benachenhou, soulignent, encore une fois, la nécessité “de regarder de très près les dépenses budgétaires”, en termes de priorité, mais aussi d'efficacité. La Banque mondiale, dans la revue des dépenses publiques, avait indiqué que l'Algérie se situe médiocrement dans les notations internationales de gestion budgétaire. Pendant la période 2000-2004, les réévaluations de coût, dans certains secteurs, représentaient en moyenne 15% des crédits de paiement initiaux, et atteignaient 30% dans plusieurs projets. “C'est du gaspillage d'argent”, ont relevé déjà à l'époque certains experts comme le professeur Abdelhak Lamiri. Dans une perspective keynésienne, toute augmentation de la demande agrégée, qu'il s'agisse de la consommation, des exportations ou de l'investissement, peut donner lieu à une augmentation du produit intérieur brut (PIB) réel, qui se poursuivra aussi longtemps que l'investissement augmentera. Cependant, tandis que n'importe quel investissement influence positivement le PIB potentiel, son impact en tant que source d'une croissance réelle dépend de son efficacité. Le contexte international s'est assombri brutalement depuis l'été avec la crise financière mondiale, la baisse rapide du prix du baril et les perspectives de fort ralentissement de l'économie mondiale. Il n'y a pas encore le feu, personne ne peut prédire la durée de cette récession annoncée. Pour autant, le gouvernement devra se préparer à prendre certaines mesures conservatoires au cas où la conjoncture mondiale devrait rester durablement défavorable. “Celles-ci pourraient inclure une rationalisation accrue des dépenses publiques, y compris une meilleure maîtrise des dépenses courantes, ainsi qu'une mobilisation encore plus efficace des recettes fiscales hors hydrocarbures”, suggère le FMI. Cela implique un ralentissement au niveau des montants des crédits de paiement alloués aux entités déjà largement pourvues en ressources. Dans ce contexte, très incertain, l'Etat devrait arbitrer entre les projets prioritaires et ceux qui le sont moins. Des projets de dessalement d'eau de mer, de pétrochimie pourraient être reportés à plus tard. Non seulement les usines de dessalement de l'eau de mer ainsi que les stations de production d'électricité coûtent cher, mais aussi l'intervention de l'Etat, à travers les garanties et les subventions qui les accompagnent, devient de plus en plus lourde. En outre, pour éviter de sérieux risques budgétaires à moyen terme, l'Algérie devrait également maîtriser les hausses permanentes des dépenses de fonctionnement résultant des investissements du plan de relance et faire attention à l'efficacité et le ratio coûts-avantages de chaque projet d'investissement public. L'Algérie devrait aussi agir sur l'importation. Le rythme de croissance des importations a connu un emballement, ces dernières années. Certes, une part significative de cette croissance est due aux biens d'équipement et aux biens intermédiaires. Mais l'analyse montre aussi que beaucoup de produits de consommation, comme le lait ou bien les matériaux de construction peuvent être produits localement. Les mesures prises récemment, taxe sur l'achat des véhicules neufs et l'interdiction d'importation de médicaments fabriqués localement sont, à ce titre, intéressantes. Il y a un aspect où le gouvernement pourrait agir rapidement : réduire le train de vie de l'Etat, en agissant sur les dépenses improductives. Mais aussi en répartissant, d'une manière équitable les revenus, pour éviter leur concentration excessive, comme c'est le cas actuellement au profit d'une minorité rentière, comme l'attestent les salaires mensuels accordés aux députés. Meziane Rabhi