Dans cet entretien, cet expert international aborde la question fondamentale de la durée de la crise financière et de son impact sur l'Algérie. Il propose un arbitrage dans les dépenses publiques en cas de poursuite de la chute des prix du pétrole. Liberté : Quelles sont les incidences positives et négatives de la crise financière mondiale sur l'Algérie ? Nadir Bella : Si la crise financière internationale et la récession économique qui lui est concomitante ne durent pas plus de 1 à 2 années, leurs conséquences sur l'Algérie seront marginales. Mais si la crise s'installe dans la durée, les conséquences seront beaucoup plus importantes. La variable clé est donc la durée de la crise. Cette question pour l'instant ne recueille pas l'unanimité auprès des experts. Les raisons qui incitent à un relatif optimisme pour l'économie algérienne si la crise internationale ne va pas au-delà de 24 mois sont les suivants. En premier lieu, les recettes d'exportation d'hydrocarbures vont fortement diminuer par rapport au pic atteint au premier semestre 2008. Les experts considèrent que les pays occidentaux ont pour objectif d'atteindre un baril à 50 dollars. Quelle sera la réaction de l'Opep face à la probable baisse de la demande découlant de la baisse attendue de la croissance mondiale ? En second lieu, le pouvoir d'achat international de l'Algérie sera favorablement influencé par trois facteurs : premièrement, la hausse importante du dollar par rapport à l'euro dans un contexte où 98% des exportations sont libellées en dollars et les deux tiers des importations proviennent de la zone euro. Deuxièmement, il est déjà observé une baisse importante du prix des matières premières, notamment alimentaires telles que le blé et le lait. La facture alimentaire de l'Algérie devra être largement adoucie. Troisièmement, les prix des biens d'équipement importés, sous l'impact d'une demande mondiale moins importante, notamment de la part de la Chine seront fortement revus à la baisse. La flambée observée ces dernières années, surtout sur le prix des centrales électriques, est largement un événement du passé. Par ailleurs, l'économie algérienne est protégée du fait du refus exprimé au Fonds monétaire international depuis au moins 12 ans d'introduire une convertibilité totale de la monnaie nationale, notamment en rendant convertible le compte capital. À cet égard, il est assez surprenant que certains experts nationaux blâment aujourd'hui les autorités alors qu'il y a peu de temps, ils étaient les défenseurs acharnés de la convertibilité totale du dinar. De plus, la politique de remboursement anticipé de la dette aussi bien auprès du Club de Paris, du Club de Londres a rendu le pays immunisé contre toute variation possible des taux d'intérêts, des taux de change et d'éventuelles difficultés de refinancement de la dette extérieure. Quel est l'impact de la crise sur les recettes budgétaires du pays et sur les IDE ? On peut néanmoins anticiper trois éléments qui mériteraient une attention particulière des autorités : 1- la baisse des exportations d'hydrocarbures a un effet automatique sur les recettes budgétaires de l'Etat. Ceci nécessitera la mise en œuvre d'arbitrage (dans les dépenses d'investissements publics) et le renforcement des efforts d'amélioration de l'efficacité dans la dépense d'investissement public. On estime quand un baril est exporté, il y a 80% à 85% de taxe pétrolière ; 2- un effet de valorisation négatif sur les réserves de change exprimées en dollars (les réserves en devises exprimées en dollars sont en baisse du fait de la composante en euros des réserves de change du pays estimées à 45%). En effet, depuis 3 ou 4 ans, les autorités monétaires avaient judicieusement anticipé une hausse de l'euro et donc augmenté la part en euros détenue dans les réserves de change. Mais est-ce que les autorités monétaires ont anticipé la baisse actuelle observée de l'euro par rapport au dollar ? Depuis, l'été, l'euro est passé de 1,60 à moins de 1,30 ; 3- la baisse du niveau des recettes hydrocarbures associée à une baisse des recettes fiscales aura des conséquences inéluctablement sur la liquidité bancaire. Quelles en seraient les conséquences pour le financement en monnaie locale des grands projets pétrochimiques. Pour conclure, un impact négatif pourrait provenir des difficultés que la quasi-totalité des multinationales rencontre au niveau mondial pour leur refinancement. Est-ce que cette situation difficile n'aura pas une conséquence sur leur volonté et leurs capacités à investir en Algérie ? K. R.