Le diplomate anglais s'est montré à la fois compatissant quant aux douleurs éprouvées par les deux peuples anglais et algérien et déterminé à neutraliser les extrémistes. Réduites jusqu'à un passé assez récent à “un smig” diplomatique, en tout cas loin du volume existant entre Alger et Rome, Alger et Paris ou encore Alger et Washington, les relations entre Alger et Londres sont pourtant en train de connaître ce qui s'apparente à un réchauffement, prélude à une coopération plus soutenue à l'avenir. Voilà, en résumé, ce qui ressort de la visite du ministre d'?tat anglais en Algérie, M. Bill Rammel. Et rien de plus emblématique comme signe de renouveau que cette volonté des deux capitales de finaliser un mémorandum d'entente dans le domaine militaire. “Je suis très heureux d'être ici, et la commission mixte est excellente pour renforcer la coopération entre les deux pays. Nous avons eu des discussions fructueuses. Nous avons évoqué la question de l'énergie d'autant que le Royaume-Uni est l'un des plus grands investisseurs en Algérie et nous avons également parlé de la lutte contre l'immigration clandestine et la lutte contre le terrorisme, tout comme nous avons abordé le renforcement des relations militaires”, a indiqué, hier, lors d'une conférence de presse animée à Alger, le représentant du gouvernement de Gordon Brown à l'issue de la réunion de la 3e session de la commission mixte algéro-anglaise, présidée du côté algérien par Abdelkader Messahel. “Nous sommes en train d'organiser nos relations. La coopération dans le domaine de la défense concerne la formation et d'autres aspects liés à la coopération militaire”, a affirmé pour sa part, le ministre délégué algérien, chargé des Affaires africaines et maghrébines. M. Messahel, comme son homologue anglais, dans une pure rhétorique diplomatique, n'ont pas révélé la teneur de cette coopération. “Un mémorandum d'entente militaire est en voie de finalisation”, s'est contenté de préciser le diplomate algérien. Et comme pour ne pas donner une dimension exagérée, M. Messahel s'est empressé d'ajouter que “ce n'est pas une exception à l'Algérie, c'est même fait avec d'autres pays”. Présente essentiellement dans le domaine des hydrocarbures – l'un des plus grands investissements avec plus de 50 milliards de dollars cumulés –, à travers notamment les compagnies BP et Shell, la Grande-Bretagne entend diversifier ses investissements. Ainsi des entreprises sont déjà opérationnelles, comme celles des antibiotiques à Boumerdès ou encore les banques, comme HSBC. “Le pays devient de plus en plus attractif”, soutient Bill Rammel. “On leur a fourni des explications. Malgré l'existence d'un peu de bureaucratie, qui existe du reste un peu partout dans le monde, nous avons allégé les procédures administratives et nous avons réglé la question du foncier. Nous espérons parachever d'ici 2009 le cadre juridique pour encourager l'investissement. Nous espérons finaliser un accord sur la double imposition et le fonds de garantie de l'investissement au courant du 1er semestre prochain”, a précisé de son côté M. Messahel. Dans ce contexte, une sous-commission en charge de la coopération économique entre les deux pays, présidée du côté algérien par Abdelhamid Temmar, verra le jour bientôt, a révélé M. Messahel. Interrogé par Liberté sur la teneur de la coopération dans la lutte contre le terrorisme d'autant que jusqu'à un passé récent, le Royaume-Uni était perçu par Alger comme une base-arrière de l'islamisme, le diplomate anglais s'est montré à la fois compatissant quant aux douleurs éprouvées par les deux peuples anglais et algérien et déterminé à neutraliser les extrémistes. “L'Algérie et l'Angleterre ont beaucoup souffert du terrorisme”, a-t-il dit. “Nous luttons ensemble, nous échangeons des informations et nous essayons d'écarter les extrémistes des musulmans, ces derniers étant, en majorité, pacifistes”, a-t-il ajouté. “Nous avons une opération et une coordination internationale. Nos discussions ont porté sur la manière de s'organiser dans le cadre de cette coordination. Nous avons discuté des moyens de lutter contre les financements des mouvements terroristes”, a repris, pour sa part, M. Messahel. D'ailleurs, un séminaire sur le financement du terrorisme sera organisé bientôt à Alger, probablement début décembre prochain. Sur la libre circulation des personnes, le diplomate anglais a indiqué que “son pays essayera de faire un équilibre”. “S'ils suivent des procédures normales, ils sont les bienvenus, sinon on les en empêchera conformément au cadre de coopération qui existe entre les deux pays.” Quel est le nombre d'Algériens emprisonnés en Grande-Bretagne ? “Je ne connais pas les chiffres, mais je remercie les autorités algériennes pour leur coopération pour le retour des prisonniers”, s'est contenté de répondre le diplomate anglais. Relancé sur la question, Abdelkader Messahel s'est montré quelque peu irrité. “Nous ne sommes pas une commission des détenus”, a-t-il répliqué sèchement à une consœur avant d'ajouter que les journalistes ont le droit de poser “n'importe quelle question”. Seule certitude : ils sont près de 28 000 Algériens établis en outre-Manche. En majorité étudiants, le reste des immigrants sont versés dans la restauration et les services. L'ambassade du Royaume-Uni à Alger délivre annuellement plus de 100 000 visas, a rappelé le diplomate anglais. Parmi ceux qui s'y établissent, certains ne reviennent pas, c'est pourquoi il est difficile de connaître le nombre exact de clandestins. Enfin, à une question sur le Sahara occidental, Bill Rammel a affirmé que son pays est favorable à une solution négociée dans le cadre de l'ONU. Karim Kebir