“Tout porte à croire que le combat que mène la femme active en Algérie, pour s'affirmer et consolider sa place dans le monde du travail, se situe surtout au niveau du système éducatif.” Dans son travail de recherche sur la mobilité sociale et professionnelle, Omar Derras a intégré l'analyse d'un phénomène “important et complémentaire”, celui de l'examen de la mobilité sociale des femmes actives en Algérie, pour avoir une vision complète du phénomène étudié. D'après le chercheur, l'étude de la mobilité des femmes actives, phénomène peu analysé par les sociologues, plus particulièrement des pays arabes, a permis de dégager un certain nombre de conclusions intéressantes. M. Derras constate, en effet, que de 1990 aux années 2000, la place des femmes travailleuses dans la population occupée se renforce “progressivement”, représentant un taux de 8,2% en 1991, puis de 11,2% en 1996, avant de connaître une nette croissance en 2004, avec 17,4 %. Le sociologue y voit là “une des spécificités de l'emploi féminin”, voire “une forme de division sexuelle du travail”, rappelant à ce propos que des secteurs d'activité, comme l'enseignement supérieur, la santé ou les professions libérales (médecin, avocat, notaire, etc.), sont plus aptes à recevoir des femmes cadres supérieurs. Quant aux femmes actives les moins qualifiées ou appartenant aux groupes populaires de manière générale, elles s'investissent la plupart du temps dans l'industrie légère, notamment le textile, l'habillement, le cuir et l'agroalimentaire, et surtout dans les administrations publiques, le secteur privé et celui des services.L'étude menée sur le terrain, qui porte sur la mobilité professionnelle des femmes actives durant vingt ans, montre également des changements notables dans “la structure professionnelle”. Dans ce cadre, on remarque une forte présence des femmes cadres (du groupe supérieur) : au début de leur carrière, celles-ci représentaient seulement 29,7%, alors qu'elles atteignent les 49,1% de la structure professionnelle, en 2004. Par ailleurs, les comparaisons entre les deux sexes indiquent que les femmes actives ont bénéficié d'une mobilité professionnelle “ascendante significative”, principalement les femmes appartenant aux milieux populaires. L'étude révèle dans le même temps l'originalité du travail féminin : il y a d'un côté “prépondérance de la stabilité professionnelle” des femmes actives (presque la moitié de la population enquêtée a dépassé plus de dix ans d'ancienneté dans le premier emploi), et de l'autre, un rythme d'évolution de leur carrière très lent (une forte stagnation professionnelle). Omar Derras attire l'attention sur un autre phénomène, celui “des difficultés d'insertion professionnelle” pour une proportion non négligeable de femmes, en particulier les moins qualifiées. Cela, contrairement au nombre important de femmes hautement qualifiées, qui se sont affirmées et imposées dans le monde du travail : 57,6% d'entre elles ont connu une réelle réussite professionnelle grâce à l'acquisition d'un diplôme universitaire. Cette situation fera dire au chercheur : “Tout porte à croire que le combat que mène la femme active en Algérie, pour s'affirmer et consolider sa place dans le monde du travail, se situe surtout au niveau du système éducatif”. L'autre aspect de la mobilité professionnelle des femmes actives, qui n'est pas des moindres, est sans doute la prolifération du travail marchand à domicile et informel pour cette catégorie de la population. À ce sujet, l'auteur de l'étude trouve qu'une telle situation est “paradoxale”, en signalant à la fois les textes régissant les relations de travail qui consacrent l'égalité des sexes et “la très faible présence et intégration des femmes” dans le monde du travail. H. A.