L'évolution de l'affaire Hasseni, qui a pris les tournures d'une cabale contre l'Algérie, risque de mener vers une nouvelle crise entre Alger et Paris. Après des mois de prudence diplomatique, l'Algérie est décidée à ne plus se taire dans l'affaire de Mohamed-Ziane Hasseni placé sous contrôle judiciaire en France et inculpé pour complicité d'assassinat d'Ali Mecili. “La patience a des limites”, a affirmé un diplomate relayant de récents propos de Mourad Medelci, selon lequel le responsable du protocole au ministère des Affaires étrangères est “retenu en otage” depuis le 14 août, date de son interpellation à Marseille. Les autorités algériennes accusent le juge d'instruction Baudoin Thouvenot d'“acharnement” contre le diplomate qui, à leurs yeux, a apporté la preuve de son innocence. Après les avoir spontanément refusés en trouvant leur demande injustifiée, il s'est soumis aux tests ADN et aux analyses graphologiques. À l'ambassade d'Algérie à Paris, on s'étonne d'ailleurs que les résultats ne soient toujours pas communiqués à l'intéressé. M. Hasseni a aussi fourni tous les éléments qui confirment sa filiation, y compris un livret de famille délivré par l'administration coloniale. Il a présenté ses attestations de fonction et ses décrets de nomination pour démontrer qu'il n'a jamais exercé dans les services secrets, comme le prétend son accusateur Mohamed Samraoui au témoignage duquel le juge semble faire crédit. Il laisse entendre que les documents ont été confectionnés pour masquer les véritables fonctions de celui qui, à ses yeux, est un suspect. “Il est regrettable que le juge ne reconnaisse pas les documents officiels algériens”, s'offusque-t-on à l'ambassade pour laquelle “cette affaire ne favorise pas un climat de sérénité entre les deux pays”. Pis, c'est une situation qui risque de nuire aux relations entre les deux pays si elle n'est pas réglée dans les plus brefs délais. Pour ce diplomate, l'Algérie est maintenant “indignée” et “exaspérée”, après avoir “donné tous les signes de bonne volonté afin que l'affaire soit réglée le plus tôt possible et qu'elle n'empoisonne pas la relation bilatérale”. Avant lui, le ministre Djamel Ould-Abbès s'est aussi écarté du langage biseauté de la diplomatie. “Depuis 1962, les choses ont changé. Ceux qui croient faire pression et traiter l'Algérie comme une république bananière se trompent”, dit-il et de brandir un risque. “Qu'on n'oublie pas que l'Algérie est un partenaire commercial et industriel très important de la France et que nous avons une communauté de quatre millions d'Algériens” dans ce pays, a-t-il dit. À ces accusations, Paris répond inlassablement qu'il s'agit d'une procédure judiciaire sur laquelle le gouvernement “n'a pas de prise” en raison de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire en France. “On comprendrait mal qu'il y ait des rétorsions économiques pour ce qui est un processus de justice. On serait surpris”, a estimé hier le porte-parole du Quai d'Orsay, Eric Chevallier. La parade ne semble pas convaincre Alger qui rappelle que le président Nicolas Sarkozy a bien volé au secours de ses compatriotes arrêtés au Tchad l'année dernière dans une affaire d'enlèvement d'enfants dite Arche de Zoé. Autre exemple, Paris a fait preuve de bienveillance à l'égard d'une proche du président rwandais ; Bernard Kouchner, observe-t-on, a tenu des propos conciliants à son égard. Pourtant, les présomptions qui pèsent sur elle sont nettement plus lourdes. L'affaire ira-t-elle jusqu'à compromettre une visite d'Etat du président Bouteflika à Paris en 2009 ? Pour l'instant, cette visite n'est pas programmée. Elle n'est pas dans l'agenda des deux chefs d'Etat. Un dénouement de l'affaire Hasseni peut toutefois la favoriser. S'agissant de la procédure judiciaire, le dossier va connaître une nouvelle étape le 16 décembre avec l'audition prévue de deux principaux témoins : les anciens officiers du renseignement Mohamed Samraoui et Hicham Aboud. Mohamed Samraoui a, jusque-là, joué le rôle de procureur même s'il s'est empêtré dans des contradictions. Sous le coup d'un mandat d'arrêt international délivré par la justice algérienne, il sera entendu par visioconférence pour ne pas risquer une interpellation à Paris. La défense de la partie civile, qui avait fait son miel d'un premier refus de M. Hasseni de se soumettre aux tests ADN, va devoir trouver d'autres arguments. “Nous n'avons rien contre M. Hasseni, mais il s'est comporté de manière étonnante depuis son interpellation. Quand on se dit innocent, on demande immédiatement une confrontation avec son accusateur. Là, il a fallu attendre deux mois avant que M. Hasseni accepte la confrontation demandée par Annie Mecili et de se soumettre à des expertises ADN”. “Il n'a pas cherché à démontrer de manière décisive qu'il n'est pas la bonne personne”, a déclaré Me Antoine Comte. Pour lui, “le parquet ne cherche pas la vérité mais à relayer des ordres politiques pour préserver la relation franco-algérienne”. Une embellie dans le dossier : le juge Baudoin Thouvenot va devoir se dessaisir du dossier. Il est muté au tribunal de Melun où il prendra ses fonctions en janvier. A. O.