“Les responsables se rendent à l'étranger pour se soigner même lorsqu'il s'agit de petits bobos. Les citoyens sont contraints de se contenter des soins prodigués dans des hôpitaux qui ressemblent à des mouroirs.” C'est ce qu'a déclaré Me Ali Yahia Abdenour, président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), lors d'une collation organisée au siège de la ligue, à Alger, à l'occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Pour le président d'honneur de la LADDH, l'accès à une médecine et à une instruction de qualité fait partie des droits de l'Homme. “Pourquoi n'a-t-on pas développé une santé de qualité en Algérie, à l'image de ce qu'a fait Cuba avec peu de moyens ? Nous disposons de moyens pour le faire ; il suffit de permettre à nos enfants de parvenir aux meilleures connaissances”, dit-il encore. Il affirme que les droits de l'Homme concernent aussi les volets économiques, sociaux et culturels. “L'école, le logement et l'emploi doivent être des droits opposables et les citoyens qui ne les ont pas doivent être en mesure de les réclamer à l'Etat”, espère-t-il, avant d'indiquer que “la moyenne d'âge pour le mariage des filles est de 29 ans et de 31 ans pour les garçons. Les jeunes ne se marient pas faute de logement et de postes de travail”. Il regrette que le peuple algérien soit pauvre alors que son pays est riche. “L'Algérie est un pays riche, pourtant sa population est pauvre”, affirme-t-il. Il rappelle que les droits de l'Homme ont évolué et ils incluent désormais la dignité du citoyen. Il estime que réduire les citoyens au niveau de “sujets” conduit à la révolte comme ce fut le cas pour les Algériens qui ont déclenché la révolution en 1954 pour recouvrer leur dignité. Selon lui, les droits de l'Homme en Algérie ne font que se détériorer. Il cite, comme exemple, la dernière révision de la Constitution qui s'est faite par le biais du Parlement, alors qu'elle a été votée par le peuple en 1996. Autre contradiction qu'il relève, celle relative aux droits de la femme consacrés par la Constitution mais ignorés par le code de la famille. Il reproche aux politiques au pouvoir de maintenir l'état d'urgence alors qu'ils affirment que le terrorisme est vaincu. “Si le terrorisme est résiduel comme ils le disent, il faut lever l'état d'urgence, et si le terrorisme persiste qu'on nous le dise pour que nous le combattions”, soutient-il. Selon lui, l'état d'urgence est maintenu pour museler les libertés syndicales et politiques. Preuve en est que toutes les réunions et manifestations sont interdites. Lui succédant, Me Bouchachi, président de la LADDH, renchérit : “Nous aurions voulu organiser un débat sur les droits de l'Homme en Algérie ou sur la révision de la Constitution, mais nous n'avons pas eu droit à une autorisation, c'est pourquoi nous avons organisé cette collation ici.” Lui aussi aborde le volet économique et s'étonne que dans un pays riche comme l'Algérie, des jeunes “harragas” hypothèquent leur vie pour tenter d'aller en Europe sur des embarcations de fortune. Il se réfère aussi aux déclarations des prévenus dans les tribunaux pour déclarer que la torture est toujours pratiquée en Algérie. “Dans tous les tribunaux, des prévenus déclarent avoir été torturés pour les obliger à signer de faux aveux. La multiplication de ce genre de déclarations dans les prétoires est pour moi une preuve que la torture est encore pratiquée”, estime-t-il. Djafar Amrane