Les initiateurs espèrent que ce début de mobilisation pourra servir de base à l'élaboration d'une charte prônant la non-violence entre toutes les composantes de l'université algérienne. Le visage de l'université algérienne va-t-il changer après le drame de Mostaganem qui a vu le docteur Mohamed Benchehida, un enseignant universitaire se faire assassiner, dans son propre bureau, par un de ses étudiants ? La tentation est grande de répondre par l'affirmative si l'on juge par les différentes prises de conscience de la grande famille de l'université qui ont suivi le drame. La dernière vient de la communauté universitaire de Mostaganem, qui a pris l'initiative d'une déclaration de non-violence rédigée par un groupe d'enseignants et étudiants. Ses initiateurs espèrent qu'elle puisse servir de base à l'élaboration d'une charte prônant la non-violence entre toutes les composantes de l'université algérienne. Ils interpellent également l'ensemble des universitaires à adhérer à la déclaration sur la non-violence à l'université. Dans cette déclaration, les rédacteurs dressent un constat sans appel sur la généralisation de la violence “inscrite pratiquement dans le quotidien de la vie universitaire, par la fréquence de ces actes et la gradation de leur gravité”. Ils appellent avec insistance à une prise en charge “immédiate, urgente et sérieuse de ce problème, avant qu'il ne gangrène complètement l'université algérienne”. Pour éradiquer le phénomène de la violence dans le milieu universitaire, la déclaration prône entre autres solutions qualifiées d'“urgentes” et de “symptomatiques”, l'élaboration auprès du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, un fichier national pour répertorier tous les actes de violence physique commis au sein des campus universitaires. Elle préconise des sanctions administratives pour leurs auteurs. “Qu'ils soient immédiatement sanctionnés sans préjuger des motifs et circonstances, et que leur acte soit versé dans leur dossier administratif sans possibilité d'effacement.” Le communiqué évoque également la réactivation, au sein de tous les établissements, des commissions paritaires et des conseils de discipline pour traiter avec célérité tous les cas de violence. Quant aux mesures de “fond”, la communauté universitaire de Mostaganem recommande la mise en place d'un audit social de l'université algérienne, de ses composantes humaines, culturelles et sociologiques afin d'apporter un traitement fondamental du phénomène de la violence. Elle appelle également à l'institution, au niveau de chaque université, des cellules de médiation et de communication chargées de gérer et d'aplanir les situations conflictuelles qui surgiraient des relations entre l'administration, les enseignants et les étudiants. Elle estime qu'un système de “coaching” des jeunes enseignants, nouvellement recrutés ou ayant moins de 5 ans d'exercice du métier, ainsi que de certaines catégories du personnel du “Front Office” en contact avec les étudiants et les enseignants, est nécessaire pour appréhender le phénomène. Cette déclaration se veut baliser le chemin vers une université expurgée du mal qui la ronge. Cependant, cette initiative, même si elle est qualifiée de “louable” par Kaddour Chouicha, coordinateur de la section Cnes-USTO, ne réglera en rien le problème de la violence. “La réglementation est précise quant à ces cas de dépassements et l'arsenal juridique est suffisant pour y faire face, seulement le problème est celui de son application”, ajoutera M. Chouicha. “L'administration n'applique pas la réglementation en vigueur et ce n'est certainement pas l'inflation des textes qui va changer quelque chose à la situation”, affirme-t-il, avant d'évoquer les dernières statistiques de la tutelle sur le harcèlement sexuel au sein des universités. “27%, ce qui veut dire que sur 4 étudiantes, une y passe alors que la réalité avoisine les 40%”, ajoutera-t-il. Pour les étudiants, le problème se pose en d'autres termes plus terre à terre. Assia, troisième année en science éco, à l'IGMO, estime que la violence est présente dans chaque parcelle du campus. “Dans les notes des enseignants, dans le regard des autres étudiants, au contact du receveur du bus, la violence est partout”, dira-t-elle. Le même constat est dans la bouche de Najiba, enseignante dans un lycée et qui poursuit son magistère à l'ILE. “Cette violence ne naît pas une fois à l'université, mais c'est tout un héritage socioculturel qu'on trimballe avec soi depuis le jeune âge. Le phénomène est présent au sein des établissements scolaires de différents paliers et même aux CEM, il n'est pas rare qu'on assiste à des agressions caractérisées d'élèves sur leurs enseignants”, précisera-t-elle. SAID OUSSAD