Chami Mohamed n'est pas un archiviste de métier. Il n'a reçu aucune formation particulière dans ce sens. Il est archiviste volontaire de la chanson kabyle de cœur et de passion. L'attention qu'il accorde à la nécessité de conserver des documents lui est dictée par un devoir de mémoire et un acquis de conscience qu'il l'a de tout temps animé. Il est ce qui manque terriblement à la préservation de tout ce qui touche, de près ou de loin, au domaine de la chanson kabyle, fixé jusque-là par l'insuffisante mais surtout la fragile mémoire humaine. Combien nous aurions souhaité qu'il prolonge sa passion à d'autres domaines ! Mais hélas, le bénévolat impose des limites. Chami remplit ainsi une fonction normalement dévolue à des institutions publiques de l'Etat qui semble très peu soucieux de sauvegarder la mémoire collective culturelle globale du pays. Contre le périlleux oubli, l'archiviste volontaire valorise ses collections en les mettant à la disposition du public lors de ses tournées d'expositions en Kabylie et à Alger. Les documents collectés sont le plus souvent des pièces originales dont certaines sont exceptionnelles et inattendues tant elles étonnent leurs propres auteurs encore vivants. Ils constituent dans tous les cas une matière destinée à la recherche et à l'approfondissement des connaissances et suscitent un regard explicatif et une analyse sociologique sur notre patrimoine artistique. Les pièces sont constituées de plus de 6 000 coupures de journaux, de 5 600 photos, d'exemplaires de produits sous la forme de manuscrits, d'imprimés, de disques, de pochettes de disques, de vidéo, de témoignages, etc.). Toute occasion lui est alors propice pour exposer son travail à la fascination des visiteurs qui découvrent des merveilles qui s'acheminaient lentement vers la disparition. Combien d'étudiants, de chercheurs et autres spécialistes et professionnels viennent se documenter et noter de précieuses informations pour alimenter qui une thèse, qui un sujet de mémoire de fin d'études ou encore écrire un livre. L'archiviste est bien au cœur de l'information insoupçonnée. Mohamed Chami n'a, certes, pas encore la possibilité d'acquérir les moyens modernes et nécessaires de conservation comme le microfilm, le répertoire numérique, les supports informatisés. Il n'a pas non plus les moyens de procéder au tri et au classement des documents récoltés. Il ne dispose même pas de locaux adéquats et “abuse” pour cela des espaces de sa propre et humble maison. Mais il demeure constamment en éveil et animé par cette quête tellement d'utilité publique. Nous devons lui savoir gré de travailler en soliloque et modestement à la préservation de notre patrimoine chanson et pour qu'un pan entier de nous-mêmes soit enfin préservé. A. A.