Sur fond de mondialisation, I'Algérie s'apprêterait à adhérer à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avec tout ce que cela pourrait induire comme difficultés nouvelles pour tous les secteurs nationaux de production. Les négociations avec les experts de l'OMC quant à l'adhésion de l'Algérie avancent à grande vitesse. Partant, c'est un bilan économique que la partie algérienne se devrait d'établir sur fond de perspectives mondialistes... Un bilan qui ne prenne plus seulement en compte les considérations de politique et de stratégie intérieures mais dont se dégagera une unité d'action nationale pour négocier au mieux le marché de consommation de près de 40 millions de personnes que nous représentons et voir les avantages financiers et commerciaux pouvant être offerts en retour... De fait, s'il est incontournable que l'Algérie adhère à l'OMC et, pour autant qu'elle retarde cette échéance, c'est son économie qui en pâtit avec tous les contrecoups et instabilité en découlant aux plans économique et social, I'heure n'étant plus aux tergiversations. Une nouvelle notion d'intérêt national va nécessairement apparaître. Car si le marché algérien intéresse les producteurs étrangers de tous horizons, il peut intéresser, encore plus, les grands détenteurs de capitaux et les investisseurs potentiels nationaux. Jusqu'ici, la fermeture du marché algérien à l'importation et à l'exportation, puis, I'ouverture timide et s'accélérant au cours de ces toutes dernières années, n'auront favorisé qu'un commerce spéculatif et l'enrichissement continu d'une bourgeoisie compradore peu disposée, jusque-là, à s'engager ouvertement dans une relève capitaliste favorisée par le désistement de l'Etat des activités de gestion des secteurs productifs. Le pari est engagé : le gouvernement doit être en mesure de mobiliser et de faire participer tous les acteurs économiques nationaux à l'élaboration d'un consensus économique sauvegardant l'Algérie des effets dévastateurs d'une ouverture de marché sans contrepartie commerciale effective et croissante ?! La relance et l'accroissement de la production créent des emplois ; les emplois favorisent la consommation et, celle-ci entraîne de nouveau une croissance de la production... Reste la qualité et la compétitivité des prix et les choix des produits de consommation à promouvoir... C'est autour de ce raisonnement que se bâtit la libre entreprise, en évolution permanente et rapide, ayant amené à l'incontournabilité de l'OMC et à la mondialisation de l'économie dans un premier temps. En décidant de participer à cette mutation qui se veut universelle, I'Algérie engage un pari qui, dans sa finalité, corroborera son habileté à préserver son indépendance et ses facultés à s'adapter aux exigences du nouvel ordre mondial. À elle seule, I'Algérie demeure une carte stratégique de première importance pour les partenaires européens et nord-américains. Dans un cadre maghrébin organisé, son attraction pourrait devenir encore plus grande... Sur ce dernier point, Alfred Sauvy écrivait, déjà, en 1974, que l'Union européenne avait tout intérêt à favoriser une union maghrébine et que toutes les conditions géographiques, ethniques, linguistiques, religieuses étaient réunies pour la mise en place d'un Maghreb se complétant dans ses différentes composantes. Il affirmait, également que “chaque année perdue dans la réalisation effective de ce Maghreb équivaudrait à 15 ans de retard par rapport aux grandes nations”. À chacun d'apprécier librement le retard cumulé depuis les dires d'Alfred Sauvy en 1974 ; la réalité d'aujourd'hui est bien loin des espoirs de cette époque. Lorsqu'on constate la faiblesse de nos exportations hors hydrocarbures, on devine toutes les difficultés que nous aurons à endiguer la concurrence économique et commerciale étrangère sur notre propre terrain. La restructuration des entreprises publiques qui s'est rapidement transformée en déstructuration puis en faillite totale, a créé, subitement, des millions de chômeurs. La dévaluation du dinar qui a lourdement pénalisé les investisseurs et producteurs privés aura accentué, d'autre part, la suppression d'emplois tandis que l'ouverture à I'économie de marché aura fini d'achever une production nationale déjà bien malade des différents contingentements auxquels elle n'a cessé d'être soumise au fil des ans. Et, c'est dans un tel cadre de réalités, plus préoccupantes les unes que les autres, que les spécialistes et autres experts algériens s'en vont négocier notre entrée au sein de l'OMC, et notre intégration à l'économie mondiale. Certes, I'Algérie n'est pas le seul pays à être confronté aux conséquences, immédiates et futures, d'un plus grand libéralisme commercial et de la mondialisation de l'économie. À ce propos, la controverse politique est très forte, jusque dans les pays les plus développés ; les appréciations et les raisons n'étant pas, évidemment, les mêmes que les nôtres. Cependant, I'essentiel est qu'il y ait débat (et controverse), ailleurs comme en Algérie, sachant que c'est de l'avenir d'un pays et de son peuple dont il est question. Le diagnostic de l'Algérie n'étant plus à faire ni à dire, universellement connu, il est très politique de rendre publiques les grandes lignes algériennes à ces négociations. Cela permet de juger de l'efficacité et du degré de persuasion de nos représentants face à ceux de l'OMC et de l'Union européenne. Cette intégration à l'économie mondiale vers laquelle nous sommes conduits à pas forcés, pour avoir failli totalement dans notre gestion précédente, verra, toutes les négociations qu'elle requiert, attendues avec plus d'anxiété que d'impatience. Le libéralisme et la mondialisation de l'économie tournent, tous deux, autour de la production et de la consommation ; que consommeront, demain, les Algériens et avec quoi ?! Au profit de quels producteurs et jusqu'à quand ?! L. R. A.