Le fondamentalisme religieux et les années de violence qu'il a imposées au pays n'auront pas tout balayé, et c'est tant mieux. Si l'on n'a pas pu faire divorcer la société de son aspiration à la modernité et de son attachement à l'universalité, c'est que modernité et universalité, quoi qu'on en dise, sont compatibles avec l'histoire ancienne et récente de l'Algérie. Quel sens donner à cet engouement remarquable et à cet enthousiasme presque étonnant que les Algériens mettent à préparer et à fêter le nouvel an ? Etonnant, en effet, car le quotidien du plus grand nombre, notamment celui des jeunes, invite plus au scepticisme, au désespoir et à la tristesse qu'à la joie de vivre. Le fait est encore plus étonnant quand on sait l'énorme pression exercée sur la société par l'activisme salafiste souterrain qui gagne en intensité et qui apparaît, aujourd'hui, à la fois comme une nouvelle étape et une nouvelle forme de l'inquisition islamiste. Il faut sans doute en retenir que le fondamentalisme religieux et les années de violence qu'il a imposées au pays n'auront pas tout balayé, et c'est tant mieux. Si l'on n'a pas pu faire divorcer la société de son aspiration à la modernité et de son attachement à l'universalité, c'est que modernité et universalité, quoi qu'on en dise, sont compatibles avec l'histoire ancienne et récente de l'Algérie. Et c'est encore tant mieux que les Algériens sachent le montrer à l'occasion : cela signifie que des perspectives d'avenir peuvent s'offrir au pays, malgré tout. Il appartient aux politiques de saisir pleinement la portée du message. Mais à côté de ces Algériens sur “leur 31”, il y a la part du feu : beaucoup de nos concitoyens sont amputés à jamais de ce sentiment d'appartenance au monde, un sentiment qui a fini par laisser place à l'irrésistible désir de se retrancher derrière les “murs de la religion” et de se recroqueviller sur soi, pour mieux se distinguer de “l'autre”. La part du feu, c'est aussi ces milliers de familles qui ne pourront pas réveillonner, faute de moyens, ces milliers de jeunes qui, ce 31, seront contraints de rester chez eux et de faire le même rêve pour la 365e fois de l'année : partir… n'importe où. Ce sont aussi ces SDF, enfants et adultes, qui écument nos villes, le soir venu. C'est leur “31” à eux. S. C.