Il ne se passe pas un jour sans que la presse nationale ou étrangère évoque le sujet de l'émigration clandestine. Des dizaines de candidats tentent chaque jour, peut-être même en ce moment, d'atteindre l'autre rive de la Méditerranée. Les forces navales algériennes ne chôment pas. Un certain état d'alerte semble être de rigueur depuis quelques années, au rythme de la déferlante des harragas, de plus en plus nombreux. Ils embarquent, parfois par dizaines, à bord de chaloupes de fortune, vers un pays qu'ils espèrent plus clément. Une aventure qui, souhaitent-ils, les délivrera du chômage et de l'absence de perspectives pour une jeunesse désemparée et dont le nombre ne cesse d'augmenter. Des femmes, avec leur progéniture, sont, également, tentées par la traversée. De janvier à octobre 2008, les forces navales algériennes ont effectué 132 interventions dans le cadre de la lutte contre l'émigration clandestine, dont 75 en pleine mer et 57 tout près des côtes. Résultat : 1 533 harragas ont été interceptés. L'année n'étant pas encore terminée, il est fort probable que ce chiffre soit appelé à augmenter. Les forces navales ont enregistré, au cours de l'année 2007, l'interception de 1 530 clandestins dont 1 485 Algériens et 83 corps sans vie ont été repêchés de la mer. Le bilan de l'année 2006 était de 1 016 personnes interceptées avec 73 cas retrouvés morts au large des côtes. Les chiffres enregistrés en 2005 sont les plus bas de ces cinq dernières années. Il s'agit de 335 cas d'interception des émigrés clandestins, 29 cadavres ont été retirés de la mer. La Méditerranée est devenue, désormais, le cimetière des aventuriers de l'Eldorado européen. Sachant que le bilan a augmenté de 70% de l'année 2005 à 2006. Par ailleurs, Liberté a réalisé un sondage sur le sujet, qui a été publié le 3 décembre 2008. Il a été effectué en collaboration avec Okba Khiar et Mustapha Aïnouche, deux experts en traitement des statistiques et de sondage d'opinion. L'enquête a porté sur un échantillon de 1 364 personnes de sexe masculin dont l'âge varie entre 15 et 34 ans, issues de différentes tranches sociales, réparties sur 5 wilayas à l'est et 4 à l'ouest du pays. 50% de la population sondée affirment être tentés par l'émigration clandestine, alors que 81% déclarent connaître des personnes, dans leur entourage, prêtes à faire le grand saut. 98% considèrent que le sujet de l'émigration clandestine est ancré dans la société algérienne. Concernant leur avis personnel, 43% des sondés estiment que partir clandestinement est “une aventure”, 26,3% assurent qu'il s'agit d'un “acte suicidaire”, alors que 14,9% pensent que c'est de “l'inconscience”. Par ailleurs 81,5% des personnes considèrent que c'est le seul moyen pour fuir le pays et construire leur avenir. Cependant, l'Espagne et l'Italie sont les destinations de prédilection des émigrés clandestins, alors que la France n'arrive qu'en quatrième position après l'Angleterre. Ces chiffres, on ne peut plus clair, témoignent de la forte propagation du phénomène à la limite d'une “pandémie sociale” qui ronge la jeunesse algérienne. À la lumière de ce sondage, nous savons tout sur les émigrés clandestins : leur parcours, leur provenance, leur destination, leurs motivations, leurs embarcations, leurs itinéraires… Mais ce que les autorités n'arrivent pas à cerner, ce sont les moyens de lutter efficacement contre ce phénomène face auquel on se contente, faute de solution, de brandir la justice. Djamel Ould-Abbès, ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté nationale à l'étranger, a proposé la création d'observatoire méditerranéen de lutte contre l'émigration clandestine, qui sera mis en place d'ici au mois de janvier. Selon ce dernier, l'observatoire vise à élaborer un plan d'action sur les moyens de prise en charge des jeunes en situation clandestine et installer des mécanismes de sensibilisation, communication et une banque de données sur leur situation. N. A.