Pendant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy en avait fait un de ses projets phares. Inspiré par son conseiller spécial Henri Guaino, l'Union méditerranéenne devait succéder au partenariat Euromed apparu boiteux plus de 10 ans après avoir été scellé en 1995 à Barcelone. Moins ambitieux, il devait réunir les pays du pourtour méditerranéen. Plus concret cependant, il a été conçu comme un ensemble de projets palpables pour être bien perçu des peuples de la région. L'euphorie va cependant reculer sous les coups de boutoir de la chancelière allemande Angela Merkel, un des plus gros contributeurs de l'UE, qui va soupçonner M. Sarkozy d'aménager une porte d'entrée à la Turquie en Europe et de vouloir détourner les aides européennes au profit des pays de la rive sud de la Méditerranée. Finalement, le projet naîtra sous le nom de l'Union pour la Méditerranée-Processus de Barcelone. Les ors et le faste du Grand Palais à Paris n'auront pas réussi à dissimuler sa splendeur perdue. La messe du 13 juillet dernier, en présence des dirigeants de 43 pays représentant 750 millions d'habitants, aura surtout valu par le retour en grâce du président syrien qui s'est retrouvé à la même table que le Premier ministre d'Israël, Ehud Olmert. Après avoir laissé planer le doute pendant des semaines, Abdelaziz Bouteflika a répondu aux vives sollicitations du président français et accepté de s'afficher au rendez-vous. Le rang des absents était tenu par Al-Kadhafi qui a jugé le projet “effrayant”, lui préférant un cadre UE-Union africaine. Le roi Mohammed VI s'est fait représenter par son frère, prétextant un “emploi du temps chargé”. Les chefs d'Etat et de gouvernement présents ont adopté une déclaration d'une dizaine de pages marquant l'acte de naissance de l'UPM, à l'issue d'une séance plénière de quatre heures dans le cadre prestigieux du Grand Palais, un monument construit au bord de la Seine pour l'Exposition universelle de 1900. Signe de la complexité de l'exercice, aucune photo de famille n'a eu lieu en fin de rencontre. Mais, pour la France, le fait de réunir autour d'une même table des rivaux de longue date constituait en soi une victoire. La déclaration finale du sommet, notamment le passage sur le processus de paix, a fait l'objet de tractations laborieuses. C'est précisément à cause de ce type de divergences que le “processus de Barcelone” s'est enlisé. Les initiateurs se sont séparés sur la promesse de se concentrer sur de grands projets concrets comme la dépollution de la Méditerranée et l'énergie solaire, sans toutefois en identifier les sources de financement et en renvoyant à plus tard la question des institutions. Un accord global a été trouvé le 4 novembre dernier à Marseille, au cours d'une réunion ministérielle, pour que l'UPM siège à Barcelone au grand dam de Tunis et que la Ligue arabe en soit un participant à part entière en contrepartie d'un secrétariat général adjoint pour Israël. Les pays de la rive Sud ont finalement accepté que le siège de l'UPM aille à un pays du Nord, obtenant en échange que le poste de secrétaire général revienne à un pays du Sud, qui n'a pas encore été choisi. Au sein du secrétariat général, il a fallu créer cinq postes d'adjoints, dont un pour Israël, pour que la Ligue arabe soit acceptée comme observateur à part entière au sein de l'organisation. Israël devrait ainsi se retrouver au cœur du dispositif pour une période initiale de trois ans, éventuellement renouvelable. La déclaration finale précisait que “pour le premier mandat”, les cinq secrétaires généraux adjoints seront l'Autorité palestinienne, la Grèce, Israël, l'Italie et Malte. Un sixième poste d'adjoint pourrait être créé à la demande de la Turquie, la décision revenant aux co-présidents de l'UPM, le Français Nicolas Sarkozy et l'Egyptien Hosni Moubarak, qui doivent acter cet accord. En contrepartie de son poste, Israël a accepté que la Ligue arabe puisse participer pleinement à l'UPM en tant qu'observateur, une demande des pays arabes. Traditionnellement, la Ligue arabe participait aux réunions des ministres des Affaires étrangères euro-méditerranéens seulement au sein de la délégation égyptienne. Le diplomate en chef de l'Union européenne Javier Solana s'est déclaré “heureux” de voir qu'un accord avait été trouvé pour que Barcelone héberge le siège de l'UPM. Ayant obtenu satisfaction, les Espagnols ont proposé que le titre officiel de l'organisation : “Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée” devienne désormais “Union pour la Méditerranée” tout court. Mais au final, c'est la question de la “politisation” du processus de Barcelone et des risques de retomber dans les pièges du passé qui est de nouveau posée. Un secrétariat général flanqué de cinq ou six adjoints semble à l'opposé de la structure légère et technique qui avait été souhaitée pour pouvoir s'occuper des projets de dépollution maritime ou d'énergie renouvelable sans être gênée par le conflit israélo-palestinien. Le démarrage effectif de l'UPM se fera en 2009 avec le lancement du “Plan solaire”. Une réunion ministérielle doit avoir lieu en mars 2009 à Monaco pour valider ces projets et faire le point sur leur mode de financement avant le lancement d'une phase pilote (2009-2010), puis le déploiement à plus grande échelle (2011-2020). L'objectif affiché de l'UPM est d'atteindre, à l'horizon 2020, 20 GW de capacité d'énergie renouvelable, notamment solaire, dans l'ensemble des pays du pourtour méditerranéen. L'une des pistes à l'étude est la création de gigantesques centrales solaires thermodynamiques dans le Sahara, qui permettraient d'alimenter l'Afrique du Nord, mais aussi, via des câbles sous-marins, l'Europe. A. O.