C'est un cas qui va certainement faire jurisprudence, le tribunal de Boumerdès vient d'annuler le registre du commerce d'un citoyen qui a transformé un appartement situé au rez-de-chaussée d'un immeuble en un restaurant avec en plus 100 000 DA de dommages et intérêts à verser pour le voisin du premier étage qui est à l'origine de la plainte. Même si le jugement n'est pas encore définitif, il constitue déjà un véritable camouflet pour les différentes administrations qui se sont montrées, jusque-là, très complaisantes avec de nombreux commerçants qui, dans plusieurs régions du pays, ont modifié des appartements en locaux commerciaux sans se soucier de la sécurité et de la santé des citoyens. Ce jugement va certainement inciter les services du registre du commerce à revoir leur copie en matière de délivrance de registre du commerce. En tenant compte uniquement désormais de “l'acte de propriété du local commercial” et non du document d'huissier. À Boumerdès, une ville qui a failli être rasée par le séisme du 21 mai 2003 qui a fait des centaines de morts et en dépit du cri d'alarme lancé par les experts, les autorités locales de Boumerdès continuent à fermer les yeux sur les opérations de modification des appartements situés au rez-de-chaussée pour les transformer en locaux commerciaux. Pire encore, et selon les documents en notre possession, certaines de ces opérations illégales et dangereuses pour la sécurité des citoyens sont autorisées et encouragées par les autorités locales elles-mêmes comme c'est le cas à Boumerdès où l'anarchie règne toujours. De nombreux bâtiments ont été “troués” et des dizaines de rampes d'escalier obstruent les passages pour piétons et ce, dans l'indifférence générale. Mieux, plusieurs personnes se sont vu délivrer, ces trois dernières années après le séisme, des autorisations par l'APC de Boumerdès comme celle dont nous possédons une copie qui autorise un commerçant à effectuer “la pose d'un escalier devant le local commercial (c'est-à-dire l'appartement du RDC, ndlr) ou devant le bâtiment”. Une attitude contraire à la loi 99-20 du 1er /12/1999 relative à l'aménagement et l'urbanisme qui exige, pour de telles modifications, un permis de construire comme l'énonce sans ambiguïté son article 52 “Le permis de construire est exigé pour l'édification de nouvelles constructions quel qu'en soit l'usage, l'extension de constructions existantes, la modification de construction touchant au gros œuvre ou aux façades donnant sur l'espace public, la réalisation de mur de soutènement et de clôture en dur”. Plus grave encore, un commerçant qui a transformé un appartement situé à 100 mètres du siège de la wilaya en restaurant a même pu obtenir l'agrément pour l'ouverture du restaurant signé par le secrétaire général de la wilaya de Boumerdès. Le document dont nous détenons une copie et qui est daté du 23/09/2008 intervient en contradiction avec la loi mais aussi avec les propres directives émanant de cette même wilaya. Puisque l'ex-wali de Boumerdès, M. Bedrici, avait transmis le 16 juin 2001, soit deux ans avant le séisme une instruction au maire de Boumerdès, au chef de daïra et aux directeurs de l'OPGI et celui de l'urbanisme par le biais de laquelle il “interdit toute transformation de logement en local commercial”. Par ailleurs, de nombreux autres commerçants ont procédé à ces modifications sans permission mais sans être inquiétés, non plus, par l'APC ni par les inspecteurs d'urbanisme. En plus des problèmes d'insécurité et de violation des règles d'urbanisme, c'est le principe même de la copropriété évoqué dans le décret 83-666 du 12/11/1983 fixant les règles relatives à la copropriété qui est remis en cause. Par ailleurs, est-il normal de parler d'un million de logements à réaliser quand des centaines d'autres sont détournés pour d'autres besoins ? Interrogé sur cette situation, le spécialiste en génie sismique et numérique, le professeur Chelghoum Abdelkrim juge très risquées ces opérations. “C'est dangereux de toucher aux appartements du rez-de-chaussée surtout dans la ville de Boumerdès, l'exemple du bâtiment 10 de Réghaïa est encore présent dans les esprits”, nous a affirmé hier le professeur Chelghoum. L'expert s'est étonné que de telles opérations soient menées sans la réaction des responsables des différentes administrations concernées. “Ces aménagements risquent de provoquer ce qu'on appelle un effet de mécanisme de ruine”, ajoute le professeur Chelghoum qui précise que “les panneaux de maçonnerie jouent un rôle essentiel dans la consolidation du bâtiment” avant d'ajouter : “Un étage simple est moins rigide que l'étage supérieur et de telles modifications rendent vulnérable un immeuble et cela risque de s'avérer fatal”, ajoute M. Chelghoum qui regrette que les enseignements fondamentaux n'ont pas été tirés de toutes les catastrophes vécues, notamment du séisme du 21 mai 2003. M. T.