La République fout-elle le camp ? Et qui mieux que ses supposés serviteurs pour lui porter l'estocade ! L'un de ses fossoyeurs n'est autre que Abdelkader Hadjar, ci-devant ambassadeur d'Algérie en Iran. Depuis quelques jours, l'homme s'épanche dans les colonnes de la presse pour se revendiquer un statut de “putschiste”. L'ambassadeur qui, jusqu'à preuve du contraire, est toujours en fonction, a la ferme intention d'organiser un coup d'Etat contre l'actuel secrétaire général du parti FLN, Ali Benflis. Il affirme, dans une tribune publiée par un confrère, sa détermination à avoir la peau de l'ancien Chef du gouvernement, avant de regagner tranquillement son poste à Téhéran. Il n'y a que dans la République de Bouteflika qu'un ambassadeur s'autorise ouvertement un sacerdoce : celui de comploteur au profit du Président. Et M. Hadjar a de qui tenir en matière de putsch. Bouteflika n'avait-il pas assumé ce statut il y a trente-huit ans lorsqu'on avait renversé Ben Bella ? Il n'y a que dans la République de Bouteflika qu'un commis de l'Etat, censé représenter les intérêts du pays à l'étranger et défendre son image, finit par se comporter comme un vulgaire chef d'une petite pègre, lançant des contrats sur des têtes, lâchant des dobermans et des nervis sur des hommes qu'il juge indésirables. Il aurait été sans doute plus sain de réserver deux ou trois phrases, à la limite une brève, aux harangues du sieur Hadjar si cette cabale contre le secrétaire général du FLN ne relevait pas d'une double escroquerie : celle qui amène un responsable de l'Etat algérien à déserter ses responsabilités pour se mettre dans la peau d'un comploteur à la petite semaine ; celle qui consiste à intenter un coup de force contre une direction politique démocratiquement élue par ses militants. Que les choses soient claires : le propos ici n'est pas de jouer les avocats de Ali Benflis. L'homme est suffisamment outillé pour défendre sa cause et celle de sa formation. Le scandale réside dans le fait qu'un ambassadeur bafoue les lois de la République sans qu'aucune institution le rappelle à l'ordre. D'abord Abdelkader Hadjar est en infraction vis-à-vis de la législation du travail. Selon les textes de loi, son attitude est qualifiée d'abandon de poste. Pour moins que ça, un pauvre postier de Aïn Témouchent ou un éboueur d'El-Harrach auraient certainement fait valoir leur droit au chômage. Pas monsieur Hadjar. Lui peut non seulement défier son ministère de tutelle en abandonnant ses fonctions à Téhéran, mais aussi afficher un mépris total au pauvre Belkhadem, en refusant de lui adresser une correspondance officielle. Et comme dans son cas, on n'est jamais à court d'une morgue, il interpelle le chef de la diplomatie algérienne dans le but d'interdire à Ali Benflis de rencontrer des ambassadeurs occidentaux en poste à Alger. Le silence du ministre des Affaires étrangères est aussi inadmissible que condamnable. Mais que peut donc faire l'effacé ministre lorsque son chef du gouvernement adopte la même attitude : celle de l'autruche ? Et que peut donc faire Ahmed Ouyahia quand son Président et sa coterie, s'ils ne sont pas directement impliqués dans ce coup tordu, ne s'en trouvent pas moins en train de jouer les marionnettistes. Car il faut bien l'admettre : Hadjar est le garagouz entre les mains de Bouteflika. La finalité de cette nouvelle ligue lombardienne est double : d'abord punir Ali Benflis pour n'avoir pas soutenu le chef de l'Etat jusqu'au terme de son mandat actuel et décapiter le FLN de sa direction actuelle pour y placer une figurine, celle-là même qui s'empressera d'offrir au candidat Bouteflika les voix du FLN. Et c'est ce qui explique parfaitement ce concert de silence de la part des trois institutions de la République. Hadjar ne sera pas rappelé à l'ordre ni sommé de regagner son poste d'ambassadeur tant qu'il sert la soupe à Bouteflika. D'ici que ce feuilleton de l'été prenne fin, on aura tout le loisir de constater les dégâts infligés au pays par ces nouveaux suzerains. F. A.