Hadjar a toujours vécu pour et par le complot. Même s'il n'a toujours été qu'un simple exécutant. Etonnante destinée que celle de Abdelkader Hadjar dans un pays qui dégringolait au rythme de l'ascension de l'homme dans la hiérarchie politique. Instituteur de langue arabe, cette matière élevée au rang des constantes de la nation va devenir le moteur politique qui va booster sa carrière, au point de se voir propulsé député, membre du CC du FLN, puis ambassadeur. Après avoir été en poste dans plusieurs capitales arabes, il hérite d'un lot de consolations de la part du président Bouteflika. Le Président, coupable de ne pas l'intégrer dans sa “garde prétorienne”, voulait compenser cette indélicatesse en le chargeant de sceller la réconciliation avec le régime des mollahs iraniens. Mais la diplomatie est apparue comme un uniforme étroit aux yeux de Hadjar qui se croit investi d'une mission autrement plus importante. C'est pourquoi il a fugué tout récemment pour tenter un putsch contre l'actuelle direction du FLN. Qu'est-ce qui l'a aidé à prendre une telle importance au sein du parti unique ? Jusqu'au milieu des années 1970, personne n'entendait parler de lui. C'est, en fait, grâce à la commission de l'arabisation que Hadjar Kherfane Abdelkader a pu s'introduire dans l'establishment, mais non sans trahir ses anciennes amitiés. Il commence d'abord par usurper sa place à l'un des défenseurs acharnés de l'arabisation, à savoir Athmane Saâdi. Même en squattant la présidence de la commission, dont le bureau a été installé dans les locaux du ministère de l'Intérieur du temps du Premier ministre Mohamed Benahmed Abdelghani, Hadjar n'arrivait pas à sortir la tête de l'eau, étouffé par l'omnipotence du président Houari Boumediene qui avait la haute main sur les dossiers sensibles. Ce n'est qu'après l'arrivée de Chadli Bendjedid à la tête du pays que Hadjar a réussi à se frayer un chemin vers les structures du FLN, à la faveur de la jonction arabo-islamiste contre le mouvement démocratique au début des années 1980. Les privilèges dont jouissait ce courant ont conféré au “morchid” de la zone V du temps de la Révolution les clefs d'accès au comité central. Le militant de Tiaret devient successivement mouhafedh de Skikda, puis de Ouargla, avant que le système ne lui offre une place au “paradis”. Il est nommé ambassadeur en Libye où il lie une grande amitié avec le guide Kadhafi, puis en Syrie. Mais l'année 1988 est une année de “pas de chance” pour Abdelkader Hadjar, bien que ce tatouage gravé sur sa peau remonte à plus loin dans son histoire tourmentée. Le fervent défenseur de la langue arabe, ainsi tatoué dans la langue de Molière, n'est pas moins adepte d'escapades parisiennes. Sa halte préférée est le Fouquet's, la célèbre brasserie des Champs-Elysées, où il aime s'attabler en dissimulant ses yeux sous des lunettes noires. Sans doute pour se donner les allures factices d'un personnage de cinéma. En 1988 donc, il subit les foudres de Abdelhamid Mehri à partir du VIe congrès du parti. En annulant, à l'époque, la disposition qui conférait, automatiquement, la qualité de membre du comité central aux ambassadeurs, l'ancien chef du FLN écarte de facto Hadjar qui redevient, ce qu'il ne supporte pas du tout, l'anonyme militant qu'il était auparavant. Depuis, toute son action, toute son énergie est portée sur son retour aux instances dirigeantes de l'ex-parti unique. Il s'exécutera alors avec plaisir et passion, aux côtés de Abderrahmane Belayat, en prêtant ses services à un “complot scientifique” qui aura la tête du signataire du contrat de Rome. Seulement, tout le monde est d'accord aujourd'hui sur le fait que les deux lascars n'étaient en fait que de simples exécutants, tant les ficelles étaient tirées ailleurs que dans les structures du FLN. Hadjar, qui en tire gloire et satisfaction, n'était qu'un pantin. Le changement à la tête du parti est concocté dans les sphères du pouvoir, car Mehri a cautionné la rencontre de Sant'Egidio en signant avec l'ex-fis le contrat de Rome. L'hôtel El-Djazaïr qui avait abrité la réunion du comité central peut en témoigner aujourd'hui. Même Hadjar a beaucoup de nostalgie pour cet établissement hôtelier qui a vu son retour aux commandes. Beaucoup de militants FLN disent que “ce n'est ni sa compétence, encore moins son sens de l'intérêt du parti” qui ont présidé à son retour, mais le fait qu'il soit grande gueule, capable de se retourner contre ses amis, rien que pour un poste au CC. Ceux qui le connaissent bien avouent que l'ego de Abdelkader Hadjar est sans limite. Narcisse se serait suicidé devant la mégalomanie de l'ambassadeur d'Algérie à Téhéran. Il ne cesse pas d'ailleurs de crier partout où il passe que Boualem Benhamouda, c'est lui qui l'a fait, que Bouteflika, c'est lui, que Ali Benflis, c'est aussi lui qui l'a ramené. Hadjar met à son profit toutes les situations. Après sa fameuse lettre à Bouteflika, Hadjar tente de faire le voyage avec le Président dans sa région natale Tiaret, au moment où il faisait campagne pour la concorde civile. Ecarté par le staff du Président, parce que celui-ci, qui a rendu publique sa lettre pour l'enfoncer, le trouvait “trop collant”, l'ambassadeur au cœur fragile craque. C'est Ali Benflis, alors chef de cabinet de la présidence, qui le prend en charge. Il a été évacué pour des soins à Paris et c'est Boualem Benhamouda, secrétaire général du parti, en personne qui s'est rendu chez lui pour l'informer. Après s'être rétabli de son malaise cardiaque, Hadjar, qui a eu la pitié du Président, est nommé ambassadeur d'Algérie en Iran. L'enfant reprend sa tétine. Mais il ne tardera pas à prêter encore ses services pour une nouvelle mission. “J'ai 25 ans au FLN et ce n'est pas aujourd'hui qu'on va m'évincer du comité central.” Hadjar, dit-on, “peut être privé de tous les postes de responsabilité, mais il n'acceptera pas d'être écarté du CC”. S. R. Déjà en 1962... Le 5 novembre 1962, Abdelkader Hadjar passe son certificat d'études à Oran. Il échoue. Pour obtenir son diplôme, il menace le directeur de l'établissement, originaire d'El-Bayadh. Il a eu gain de cause. Hadjar décroche son diplôme avec l'insulte et la menace.