Lors du Salon international “Marrakech Travel Market” qui s'est tenu récemment au Maroc, des professionnels de plusieurs secteurs concernés par les voyages ont disséqué la situation passant du diagnostic aux différentes solutions de sortie de crise avec pour option salvatrice “le développement de l'offre locale” Face à la crise financière actuelle, l'industrie touristique, dépendante de plusieurs autres secteurs, dont notamment l'aérien, souffre déjà d'une baisse conséquente des flux et la situation risque de s'aggraver au point d'atteindre des scénarii-catastrophe si la crise perdure au-delà de 2010. Les destinations connues pour être des plus reluisantes autant que pour celles dont l'économie en est totalement indépendante tirent la sonnette d'alarme et s'accordent à dire qu'il faut troquer le souci de la concurrence au profit d'un partenariat à même d'atténuer les pertes, opter pour des produits innovants et favoriser le tourisme interne qui en définitive apparaît comme l'alternative par excellence en pareil temps de vaches maigres. L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) a, pour sa part, créé récemment le Comité de relance du tourisme qui a pour mission d'effectuer des analyses et des prévisions à court terme pour aider le secteur à mieux évaluer les effets de la crise économique actuelle sur les résultats du tourisme. Reste à savoir si en pareilles circonstances, il est toujours possible de parler de tourisme durable ? aucun positionnement concurrentiel n'est tenable sans un travail laborieux de prospective Il est clair que le touriste de manière général est passé de l'Early booking au Last booking révélant ainsi une situation de malaise qui relègue le souci de loisir au dernier plan pour la quasi-majorité des ménages (cadres moyens). Le tourisme de luxe pour l'instant n'est pas encore touché mais ne saura être épargné si la situation de crise perdure. Même topo pour le tourisme d'affaires qui pour 2009 opte pour la démarche de prudence avec la réduction de la participation au séminaire, des séjours plus courts en attendant plus de visibilité, ce qui est pour la plus grande partie des professionnels difficile à présenter. Les indicateurs sont cependant tels qu'un impact de la crise se fera ressentir, notamment pour les destinations les plus éloignées. C'est du moins ce que soutient M. Ousmane N'Diaye, représentant général Afrique de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). Ce dernier a abordé les différents cas qui ont affecté le secteur du tourisme à l'image du 11 septembre ou encore le SRAS et aujourd'hui venu le temps de la crise financière et ses ramifications sur tous les autres secteurs. “Le désir de voyager est toujours là, mais peut-on réellement se le permettre”, s'interrogera-t-il abordant le comportement du consommateur et d'indiquer que “c'est un marché en mutation qui va avoir des conséquences sur les entreprises touristiques et un ralentissement est attendu pour les mois à venir en termes de croissance”. Tendance confirmée par Christian Dumege expert conseil nat (tourisme français) qui a reconnu qu'il n'existe pas encore le recul nécessaire pour prévoir l'avenir. Il parlera alors de la création d'une cellule de veille à même d'étudier l'évolution des flux et l'élaboration d'un manuel abordant les pratiques et l'adaptation. En donnant en exemple le cas français dont 70% de l'économie touristique est, selon lui, franco-française, Christian Dumege insistera sur la pertinence de relancer le tourisme interne. L'on constate d'ailleurs que certains pays réagissent et procèdent à des rectificatifs. D'autres sont allés jusqu'à revoir leur copie en matière de loi de finances pour 2009 et décider de pauses fiscales et d'augmenter les budgets alloués à la promotion. Politique des prix : bradage ou promotion ? Il est évident que le transport aérien reste au cœur des débats en pareille situation abordant presque de manière nouvelle l'apport des compagnies low coast. Pour M. Bernard de la Croix, expert dans l'aérien et SG de Mediterraneen Travel Association (META), “les compagnies low coast ne sont pas systématiquement la solution à tous les problèmes mais c'est toujours mieux d'en avoir que de ne pas en disposer du tout”. Il expliquera, en outre, que ce type de transport reste dépendant de l'achat d'impulsion et surtout soumis au diktat du coût du pétrole qui a sur lui un impact beaucoup plus important. Pour les professionnels de l'aérien autant que pour ceux du tourisme, l'augmentation des prix est inéluctable (titre de transport) mais ne constitue pas l'élément stabilisateur. Raison pour laquelle il faudrait recourir à d'autres formes de déplacement. Il s'agira, en conséquence, d'une redistribution des flux, scénario dans lequel les longues distances seraient affectées au profit des destinations intérieures. Les prix qui restent du seul ressort des voyagistes et des hôteliers connaîtront une baisse même si les professionnels se refusent catégoriquement à utiliser le terme “bradage” et préfèrent parler de promotion d'où l'optionnel à travers des formules de package à la carte. Loin de se montrer alarmantes, les statistiques de l'Organisation mondiale du tourisme ne sont pas non plus très optimistes et parlent plutôt d'une stabilisation qui équivaut à 0% de croissance. Mais il ne s'agit que des premières estimations qui font ressortir par ailleurs que la réduction est opérée surtout sur le séjour lui-même (court séjour) que sur le volume des voyages. Christian Dumege, quant à lui, avance la baisse de 19% concernant les voyages forfait en s'appuyant sur les chiffres de l'Association des tour-opérateurs (CETO) qui représente l'essentiel du marché français. “La crise frappe, et durement. Après avoir progressé de 3,3% en septembre, les réservations des Français pour des voyages forfait (vol et hôtel) pour la saison d'hiver 2008/2009 avaient déjà reculé de 1,5% en octobre. En novembre, elles ont carrément plongé : la baisse atteint 19,1% par rapport à novembre 2007. Sur trois mois, la baisse cumulée est de 7,5%, soit de 6,3% pour les destinations moyen-courrier et de 6,9% pour le long-courrier”, relève le CETO à la fin 2008 avançant en guise d'analyse qu'il s'agit là des premiers effets de la baisse du pouvoir d'achat qui se sont déjà fait ressentir en juillet et la crise financière a amplifié le phénomène en octobre. Et d'en déduire l'horizon reste noir car, selon la CETO, “il n'y a pas d'amélioration à ce jour et il faut s'attendre à de mauvaises nouvelles”. Le phénomène s'accentue avec une tendance à la baisse en conséquence directe de la crise et se généralise au niveau de toutes les destinations comme confirmé auprès des exposants venus participer au Salon international du tourisme de Marrakech (MTM). M. Cicek Tamer, directeur général de l'agence de voyages Adonis Istanbul de Turquie, l'une des destinations les plus prisées dans le monde, nous a confié une baisse de régime à tous les niveaux soutenant qu'il était urgent de trouver de nouveaux mécanismes à même de pallier cette situation de crise. M. Dumege pour sa part propose de réfléchir sur la détaxation sur tout ce qui serait inhérent au voyage en guise de coup de pouce de la part des Etats et de conclure “jusqu'à 2010, il sera possible d'amortir mais au-delà de cette limite, ça sera à craindre pour les voyagistes”. 5 millions d'euros en guise de soutien au budget initial pour quatre villes à forte dominance touristique Réactive face à la crise, l'initiative marocaine ne s'est pas fait attendre avec la décision d'injecter 5 millions d'euros au budget initial à quatre villes à forte dominance touristique, à savoir Fès, Casa, Marrakech et Agadir et ce, dans le cadre du plan “Cap 2009”. Le Maroc qui a opté pour une nouvelle loi concernant l'organisation des voyages met l'accent sur la promotion à travers l'intensification des educ-tours soutenant que l'économie devrait se situer au niveau des coûts de gestion et non au niveau de la promotion. Il agrémente cette action avec le lancement du plan “Biladi” qui favorise l'encouragement du tourisme interne qui jusque- là a représenté seulement 20% des nuitées touristiques. Le Maroc, qui a réalisé une bonne année 2008, selon des responsables de la Fédération nationale du tourisme de ce même pays, se disent confiants mais vigilants quant à l'avenir et plaident pour la mobilisation des professionnels à travers l'émergence d'un véritable partenariat public-privé. Loin de maintenir l'ambition d'atteindre les 10 millions de touristes en 2010 et ce, compte tenu de la crise actuelle, le Maroc ne semble pas lâcher prise et poursuit ses objectifs en innovant à l'image de l'organisation, entre autres, d'événements professionnels d'envergure comme le Salon international du tourisme à Marrakech (Marrakech Travel Market) qui lors de sa seconde édition a acquis une plus grande maturité attirant une forte participation (200 exposants de 20 pays différents) avec des rencontres personnalisées pour les hosteds buyers. C'est qu'il s'agit de cibler les marchés et adapter l'offre à la demande. La Tunisie pour sa part n'en est pas moins convaincue et évoque à son tour l'opportunité du tourisme intérieur qui devrait être renforcé mais pas seulement. Jusque-là le tourisme intérieur n'accaparait que 8% des nuitées et l'objectif étant d'atteindre une part de 15%. Les Tunisiens ont déjà lancé l'offensive à travers une campagne pour promouvoir les régions sahariennes et du nord-ouest. Une première campagne a été déjà lancée en juin dernier pour promouvoir le tourisme balnéaire. N. S.