Pour l'Etat algérien, désormais la rationalisation des dépenses de la Sécurité sociale passe par la généralisation des médicaments génériques, et un programme officiel d'action est mené tambour battant dans ce sens depuis un peu plus de deux années. Et les assurés dans tout cela ? Il se trouve que les titulaires du tiers payant – un retraité ou un malade chronique par exemple – ont pris l'habitude de présenter le carnet de santé (ou dans certaines wilayas la carte Chifa) au pharmacien pour avoir leurs médicaments. De plus en plus, certains se voient maintenant obligés de payer cash la différence entre le prix de référence et le prix public algérien (PPA). Exemple : un médicament est utilisé par un malade depuis plusieurs années, il coûte 3 000 DA. Son prix de référence, un jour, est fixé à environ 1 300 DA. Le malade doit s'acquitter d'une différence de 1 700 DA. En outre, les génériques étant fabriqués en Algérie par Saidal et d'autres laboratoires locaux, un grand nombre de médicaments sont désormais préférés au remboursement. Sans véritable campagne de sensibilisation, il semble que cette nouvelle donne commence à affaiblir inutilement le processus de mise en place de la carte Chifa. Quant au tarif de référence, il permet de réguler effectivement le marché du médicament et, à plus ou moins long terme, d'améliorer les ressources de la Sécurité sociale. Il s'agit, rappelons-le, d'un tarif officiel déterminé par l'Etat (tous les six mois) pour une liste de médicaments, à partir de laquelle doit se référer le remboursement des médicaments classés par groupe de produits dits similaires à cette liste – c'est-à-dire ayant la même dénomination commune internationale (DCI), forme de dosage. Seuls les noms de marque vont différer. Pour chaque médicament concerné par le tarif de référence, il est donc procédé au remboursement des différentes marques sur la base d'un prix unique. La liste des médicaments soumis au tarif de référence s'élargit régulièrement, et les patients sont ainsi invités à se tourner plus que d'habitude vers les génériques qui doivent être, selon la définition scientifique, des médicaments ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs (princeps) et la même forme pharmaceutique avec la spécialité de référence, et qui coûtent moins cher. Difficile de s'y retrouver Or, dans l'état actuel des choses, il est impossible de convaincre de nombreux assurés que les génériques sont bien équivalents aux princeps. Déstabilisés par cette situation, beaucoup de patients exigent donc le médicament princeps auprès de leur pharmacien, quitte à perdre le tiers payant, ayant probablement la conviction que l'on tente de leur imposer un traitement parce qu'il coûte moins cher, et sans garantie que ce produit ne puisse pas parfois avoir plus d'effets secondaires. En vérité, il s'agit, là, d'un vrai débat qui a lieu, dans le monde entier, sur les génériques. Et pour nombre d'observateurs avertis, il apparaît, en effet, qu'entre les vrais génériques et les faux génériques, les excipients pertinents créant des sous-classes au sein d'un groupe et les génériques parfois plus chers que les princeps, il est devenu très difficile de s'y retrouver, même pour des professionnels de santé. Cela étant, il faudrait relativiser ici en précisant que les faux génériques ne peuvent provenir que de la contrefaçon… Toujours est-il que des assurés sociaux sont aujourd'hui confrontés à des difficultés, celles de payer à nouveau leurs médicaments de leur poche. Et le manque d'informations suffisantes à cet égard, sinon d'explications claires, aussi bien auprès des officines pharmaceutiques que des guichets de la Cnas et autres organismes d'assurances sociales, n'est pas pour les rassurer sur le système du tiers payant. Cela dit, l'on notera qu'entre 2001 et 2008, le poids de la facture des remboursements de médicaments par la Cnas dont le montant a triplé (de 23 milliards de dinars à une projection de 70 milliards de dinars cette année) a connu un début de renversement de cette situation à travers les procédures de conventionnement et de tarifs de référence engagées. Selon les déclarations de son premier responsable, Tayeb Louh, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, la Cnas n'a donc pas de déficit financier (lire par ailleurs l'entretien). Une commission a été mise en place pour réfléchir à de nouvelles sources de financement. Pour le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, les recettes des cotisations seraient appelées à s'améliorer grâce à la mise en œuvre du nouveau dispositif de soutien à l'emploi et la résorption du chômage. Il faudrait ajouter aussi que les dépenses de la Sécurité sociale dans le domaine de la santé ont été évaluées, fin décembre 2007, à 141,2 milliards de dinars dont 64,5 milliards pour le remboursement des médicaments, ces dépenses de santé s'accroissant de plus en plus, contrairement à l'évolution des sources actuelles du financement du système de Sécurité sociale. Un vrai casse-tête. ZOUBIR FERROUKHI