Les députés des trois partis de l'Alliance présidentielle ont organisé, hier, à la salle El-Mouggar, une journée parlementaire sur le bilan de la réconciliation nationale. En guise de bilan, les présents ont eu droit à des discours où la langue de bois des années de plomb était omniprésente. Le président de l'APN, Abdelaziz Ziari, a donné le ton, en affirmant, dans une brève allocution, que la réconciliation nationale était “une initiative historique” du président Abdelaziz Bouteflika qui a réussi “à éteindre le feu de la fitna”. Il enchaînera en disant que “la réconciliation nationale est devenue une réalité palpable” dans ce sens qu'elle a apporté, selon lui, “des solutions radicales à la violence”. Le document vidéo préparé par la commission de coordination parlementaire, long de 13 minutes, est un chef-d'œuvre en matière de langue de bois. Ahmed Ouyahia, le secrétaire général du RND, n'a pas dérogé à la règle, en se contentant de rendre hommage aux victimes du terrorisme, aux forces de l'ordre qui ont combattu le terrorisme et au président de la République “qui a eu le courage politique de transformer la trêve de 1997 en concorde civile, et par la suite en réconciliation nationale”. Seul à tirer son épingle du jeu, Bouguerra Soltani, le président du MSP, ne s'est pas borné à louer les vertus de la réconciliation nationale, mais a fait des propositions en vue de l'approfondir. Le patron du MSP propose que les candidats à l'élection présidentielle inscrivent dans leurs programmes électoraux la réconciliation nationale et proposent les voies et moyens qu'ils jugent nécessaires pour son approfondissement. Il propose la concrétisation des textes d'application de la Charte. En outre, il appelle à faire en sorte que le 29 septembre 2010 (5e anniversaire du référendum sur la Charte) soit le dernier délai pour régler tous les dossiers liés à la réconciliation nationale. M. Soltani appelle, enfin, à la levée de l'état d'urgence à l'horizon 2011 et à la libération totale du champ politique en 2012, soit 20 ans après la promulgation de l'état d'urgence. De son côté, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a réitéré l'attachement de son parti à la réconciliation nationale. Il a estimé que “rien ne vaut la réconciliation entre les Algériens et rien ne vaut la paix et la stabilité de l'Algérie”. Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, s'est, quant à lui, longuement penché sur les dispositions légales relatives à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Trois ans après son entrée en vigueur, le ministre estime que “la réconciliation a réalisé ses objectifs”. Pour sa part, le ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté établie à l'étranger, Djamel Ould Abbès, a fait le bilan du travail accompli par son département pour la prise en charge des personnes concernées par la réconciliation nationale. Au 31 décembre 2008, sur les 13 700 demandes introduites par les familles, 7 850 ont été inscrites, dont 4 163 ont bénéficié d'un capital global et 2 940 ont bénéficié d'une pension annuelle ainsi que des allocations familiales. Pour ce qui est des personnes ayant perdu leur emploi, 5 236 dossiers ont été déposés, dont 1 361 ont obtenu leur réintégration, alors que 3 875 ont obtenu des indemnisations. En tout, l'Etat a dégagé une enveloppe de 22 milliards pour ces catégories de citoyens. En plus, 858 psychologues ont été recrutés pour la prise en charge des enfants touchés par la tragédie nationale et un programme de 100 logements par wilaya au profit des veuves avec enfants est en cours. Pour Djamel Ould Abbès, “l'opération se déroule bien. 43 wilayas ont vu leurs dossiers totalement réglés. Il ne reste que 150 dossiers non encore traités. Certaines familles refusent la pension, estimant que celle-ci constitue une reconnaissance que leur enfant est un terroriste”. Invité à enrichir le débat, l'ambassadeur algérien auprès de l'ONU à Genève, Idriss El Djazaïri, ne s'est pas empêché de critiquer l'attitude des pays occidentaux qui voudraient exporter leur modèle de démocratie au tiers-monde. Il dénonce également le mécanisme des droits de l'Homme de la CCDH qui prend un malin plaisir à vouloir à tout prix sanctionner les fonctionnaires des pays du tiers-monde, dans des situations de lutte antiterroriste. À ce sujet, il citera le cas de soldats américains amnistiés pour crimes de guerre, alors que la CCDH n'a pas émis le moindre avis, contrairement à ce qu'elle exerce comme pressions sur les pays du tiers-monde. Tout en reconnaissant qu'en l'absence d'une convention internationale de lutte antiterroriste, chaque pays a tenté de combattre ce phénomène à sa façon. Or, des griefs ont été retenus par des membres de la CCDH concernant la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il est reproché à la Charte d'autoriser l'impunité, notamment des agents des services de sécurité, d'attenter à la liberté d'expression, en interdisant que l'on remette en cause l'amnistie accordée aux terroristes, et d'empêcher les victimes de porter plainte devant les juridictions internationales. Ces reproches seront battus en brèche par la représentation diplomatique algérienne à Genève qui présentera les arguments attestant de la légitimité de l'Etat algérien à défendre la sécurité des citoyens et des biens. La mission, outre cette mission de défendre la position algérienne, a plaidé pour une définition universelle du terrorisme et l'élaboration d'une convention internationale de lutte antiterroriste qui prendrait en charge le droit des peuples à l'autodétermination. Le dernier intervenant fut Hani Medjali, le directeur du programme du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord au centre international de justice transitoire. L'intervenant affirme être venu en Algérie pour s'enquérir de l'expérience de l'Algérie en matière de réconciliation nationale. Azzeddine Bensouiah