Le président américain Barack Obama s'est fixé l'objectif d'un “monde sans arme nucléaire”, mais le Pentagone semble avoir d'autres intentions, privilégiant un arsenal nucléaire modernisé. La nouvelle administration a manifesté son intention d'entamer rapidement des négociations avec la Russie sur une réduction de leurs arsenaux nucléaires respectifs, avec pour but ultime de les ramener à zéro. Mais le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, reconduit dans ses fonctions après avoir fait partie de l'administration du président George W. Bush, a jusqu'à présent mené un autre combat. Dans les derniers mois de l'administration Bush, il a ainsi plaidé pour qu'une réduction nucléaire soit contrebalancée par la fabrication d'une nouvelle arme pour remplacer un arsenal vieillissant. “Pour être franc, il n'est absolument pas possible de maintenir une force de dissuasion crédible et de réduire le nombre d'armes dans notre arsenal sans tester notre arsenal ou mener un programme de modernisation”, a-t-il déclaré le 28 octobre. Ces déclarations devant le centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace “étaient une tentative pour fixer des limites”, selon Jan Kristensen, analyste à la Federation of American Scientists. Selon lui, le message du secrétaire à la Défense était : “Vous pouvez réduire la quantité, mais derrière, il nous faut une grande capacité, pas seulement pour maintenir ce que nous avons, mais nous renforcer si besoin.” “C'est là qu'il y a discordance”, a-t-il ajouté. Et Robert Gates n'est pas le seul à voir les choses de cette façon. Le général Kevin Chilton, commandant des forces stratégiques américaines, met en garde contre le fait que les Etats-Unis “vivent aujourd'hui des largesses d'un socle industriel et d'un concept développé en soutien à la Guerre froide, qui est à des années derrière nous”. Un comité consultatif du Pentagone, mené par l'ancien secrétaire à la Défense James Schlesinger a prévenu ce mois-ci que la capacité de dissuasion des Etats-Unis s'affaiblissait. D'un autre côté, d'anciens secrétaires d'Etat comme Henry Kissinger et George Schultz, l'ancien secrétaire à la Défense William Perry et l'ex-sénateur Sam Nunn affirment que les armes nucléaires sont de moins en moins efficaces comme forces de dissuasion. Ils avaient appelé à “un monde sans arme nucléaire” dans les colonnes du Wall Street Journal il y a deux ans. Le débat devrait s'intensifier cette année, alors que la nouvelle administration réexamine la position américaine sur la question. Une commission désignée par le Congrès et qui réunit des républicains et des démocrates devrait intervenir dans les discussions en avril, et le Pentagone, va mener son propre examen dans le courant de l'année. La Maison-Blanche a déjà clairement affiché sa position, déclarant sur son site Internet que Barack “Obama et le vice-président Joe Biden vont fixer l'objectif d'un monde sans arme nucléaire, et suivre cet objectif”. Mais le site affirme également qu'“Obama et Biden maintiendront toujours une force de dissuasion importante tant que l'arme nucléaire existe”. Les partisans de la modernisation affirment que la sécurité et la fiabilité des armes nucléaires vieillissantes est remise en question, ce qui leur fait perdre leur force de dissuasion. Mais le Congrès s'est montré sceptique sur le financement de nouvelles armes, des études indiquant que la sécurité et la fiabilité de l'arsenal existant ne se dégradait pas. Quoi qu'il en soit, Robert Gates n'a pas encore eu l'occasion de discuter de la question avec M. Obama, selon Geoff Morrell, porte-parole du Pentagone. R. I./Agences