C'est la première fois, depuis l'instauration du pluralisme des candidatures en 1995, que l'on s'achemine vers une élection présidentielle sans les représentants patentés de l'opposition des courants démocrate et islamiste. Le ministre de l'Intérieur a annoncé, samedi, en marge de la clôture de la session parlementaire, que l'élection présidentielle se déroulera le 2 ou le 9 avril prochain. En attendant que la question du calendrier soit définitivement tranchée, il faut bien noter déjà une singularité, pour le moins rédhibitoire, de cette élection : elle se tiendra en l'absence des candidats ès qualités représentant l'opposition des deux courants démocratique et islamiste. Une première depuis l'instauration du pluralisme. Petit rappel : en 1995, tout l'échiquier politique était représenté à travers les candidatures de Liamine Zeroual, Saïd Sadi, Mahfoud Nahnah, Noureddine Boukrouh. Le spectre était aussi large en 1999 avec un casting de poids lourds : Abdelaziz Bouteflika, Hocine Aït Ahmed, Youcef El-Khatib, Taleb El-Ibrahimi et Mouloud Hamrouche. La veille du scrutin, au terme d'une réunion mémorable au siège du FFS, les cinq avaient décidé de se retirer de la course pour laisser seul Abdelaziz Bouteflika. En 2004, il y avait sur les starting-blocks Abdelaziz Bouteflika, Ali Benflis, Saïd Sadi, Abdellah Djaballah, Louisa Hanoune et Ali Fawzi Rebaïne. Le suspense était au rendez-vous de cette élection jusqu'au soir du vote où les challengers de Abdelaziz Bouteflika se sont aperçus qu'ils étaient menés en bateau. Que les dés étaient encore pipés en amont. Le 2 ou le 9 avril prochain, point de candidat pour porter les couleurs du camp démocratique. Pour le FFS, toujours chevillé à ses positions anti-pouvoir, la cause était entendue dès le départ. Pas question de participer à une énième “mascarade”, un mot cher à “Da l'Ho”, revenu depuis fort longtemps des grands-messes du régime. Tout récemment encore, Karim Tabou le rappelait dans un entretien : “Nous n'attendons rien de la présidentielle d'avril tant la politique actuelle n'a d'autre objectif que la négation du politique.” Clair et net. Les choses étaient moins tranchées au sein du RCD. Du moins au départ, d'autant que le Dr Saïd Sadi n'est pas un partisan de la politique de la chaise vide par souci de catéchisme. Pendant plusieurs mois, il a laissé entrouverte la porte de la participation à l'élection. Et ce n'est certainement pas par coquetterie qu'il avait revendiqué, comme préalable, une surveillance “massive et qualifiée”, en amont et en aval, du processus électoral. Une demande à laquelle le président Bouteflika lui-même a accédé, quoique partiellement, en acceptant la présence d'observateurs internationaux représentant les principales organisations internationales, dans l'espoir de voir le chef du RCD entrer en compétition pour apporter la caution démocratique à la consultation. Comme toujours, il y a eu quelques ruades, notamment de la part de Mme Louisa Hanoune et d'autres, pour qui notre pays a suffisamment d'expérience dans l'organisation “d'élections libres et transparentes” pour se passer de l'œil voyeuriste des instances internationales. Surgit alors un problème de sémantique. Car pour le RCD, la surveillance internationale va bien au-delà d'une “présence symbolique” des représentants de l'ONU, la Ligue arabe, de l'Union africaine et de l'OCI. Une “présence qualifiée”, dans l'esprit du Dr Sadi, signifie une action des observateurs, “selon des standards internationaux”. À l'exemple de ce qui a été fait récemment au Ghana. Mais pour certains analystes, la question des observateurs était au demeurant un faux débat. En tout cas, pas un facteur décisif pour le RCD, dont la décision de non-participation à l'élection correspond davantage à la volonté générale de la base de ne pas s'impliquer dans une opération qui pourrait s'avérer, une fois les urnes remises dans les placards, “suicidaire” pour le parti. Même rejet et, sur le fond, même argumentaire de la part de l'ANR. Dans son dernier communiqué aux accents de testament politique, dans lequel il a annoncé son retrait définitif de la scène politique, Rédha Malek souligne les principes auxquels l'ANR est attachée comme l'autonomie vis-à-vis du pouvoir, la rectitude morale et la rigueur intellectuelle. Il laisse entendre même qu'il souhaite une relève “digne de ce nom” à même d'opter “pour une initiative plus radicale, celle de la rupture avec les moules préétablis pour forger de leur propre cru une dynamique nouvelle où ils pourront redécouvrir les vertus exaltantes du militantisme, tout autant que la justesse des idéaux de l'ANR”. Côté islamiste, la messe est dite aussi. Avec la décision de Abdellah Djaballah de ne pas se porter candidat, c'est le dernier espoir du régime de voir le courant islamiste participer qui tombe. “Les conditions d'une élection régulière et transparente ne sont pas réunies”, a-t-il justifié lors de sa conférence de presse, animée jeudi, en ajoutant qu'il sera tout à son chantier de fédération du courant islamiste. Le choix de Djaballah n'a visiblement pas été facile. Ce qui explique, peut-être, le suspense qu'il avait entretenu sur ses intentions pendant longtemps. On dit même qu'il a été ces derniers jours l'objet de “sollicitude et de pressions amicales” pour se présenter à l'élection afin d'y apporter la bénédiction islamiste. En échange de quoi, il serait intronisé de nouveau à la tête de Nahda, dont il est, faut-il le rappeler, le père fondateur. Visiblement, le projet a fait chou blanc. Quelle parade face à ce faux bond de l'imprévisible Djaballah ? Aux dernières nouvelles, piochées sur certains sites, on évoque carrément l'exfiltration de Abou Djerra Soltani de l'Alliance présidentielle. Mission : être le candidat de l'islamisme avec, en arrière-plan, l'espoir de capter une partie des voix de ce courant, actuellement en phase de déshérence. En termes de leader du moins. Quel crédit accorder à une telle piste ? En tout état de cause, et à moins d'un rebondissement à la James Hadley, on va droit vers un scrutin avec, pour le moment, dix-sept figurants et le candidat de l'Alliance, dont la réélection n'est qu'une formalité. Mais certaines voix du pouvoir pourraient bien objecter que l'Alliance présidentielle actuelle compte en son sein, en plus des nationalistes, des démocrates et des islamistes. Mais que vaut une telle diversité lorsqu'on sait qu'elle est toute acquise à une candidature unique ? Omar OUALI