On a peine à croire que les Algériens vont se bousculer dans les bureaux de vote le jour d'une élection dont la principale caractéristique est qu'elle ne laisse pas de place à un début de commencement de l'ombre d'un suspense. Considéré comme “mal élu” en 1999 en raison du retrait de ses concurrents à la veille du scrutin, réélu en 2004 à la faveur d'un montage kafkaïen fait d'intrigues et de manipulations tous azimuts, Abdelaziz Bouteflika est appelé, début avril prochain, à rempiler pour un nouveau mandat présidentiel. Ce sera, cette fois-ci, au prix d'un scrutin qui, boudé par l'ensemble de l'opposition comme jamais élection ne l'a été en Algérie, risque d'enregistrer l'abstention la plus massive de l'histoire des consultations électorales dans le pays. Quand on sait, de surcroît, que la défection des électeurs a été le fait saillant qui a marqué les dernières législatives et locales, on a peine à croire que les Algériens vont se bousculer dans les bureaux de vote le jour d'une élection dont la principale caractéristique est qu'elle ne laisse pas de place à un début de commencement de l'ombre d'un suspense. Comment donc en est-on arrivé là ? À l'origine de ce scrutin qui ressemble plus aux plébiscites antérieurs à 1988 qu'aux consultations marquées du sceau du pluralisme que le pays a eu à connaître durant les années 1990, il y a certainement la révision de la Constitution du 12 novembre dernier. Conclue à cinq mois de la présidentielle, une telle opération signifiait, à elle seule, que les jeux étaient faits. À elle seule donc, elle avait de quoi dissuader les éventuels prétendants sérieux. Mais il y a pire : ceux que le pouvoir aurait aimé voir participer à cette élection, juste pour donner leur caution au scrutin, sont ceux-là mêmes dont les voix étaient étouffées cinq ans durant, ceux-là dont les activités étaient empêchées ou gênées, ceux-là dont les initiatives étaient bloquées ou dénaturées via les canaux officiels et officieux. Ceux-là, par leur refus de prendre part à la prochaine présidentielle, disent aussi qu'ils sont attachés à un pluralisme à temps plein et non pas seulement à un pluralisme des élections. C'est que tous ces tours de vis donnés ces dernières années à l'activité politique et à la libre expression ont fini par provoquer un… retour de manivelle. L'opération du 12 novembre ayant sans doute été le tour de vis de trop. S. C.