En acceptant de jouer la détente, Ahmadinejad tenterait ainsi de faucher l'herbe sous les pieds de son concurrent Khatami, candidat à la présidence présenté comme modéré. Le président français Nicolas Sarkozy a effectué, hier matin, une visite surprise à Bagdad où il a été accueilli par son homologue Jalal Talabani, avant de rencontrer le Premier ministre Nouri Al-Maliki, grand vainqueur des dernières élections régionales. Accompagné de son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner et du ministre de la Défense Hervé Morin, Nicolas Sarkozy se rend également à Oman, au Bahreïn et au Koweït. L'étape irakienne de son périple n'a pas été annoncée pour des raisons évidentes de sécurité. De sources diplomatiques, il s'agirait de la première visite officielle jamais effectuée par un chef d'Etat français en Irak. Les objectifs de l'escale bagdadie de Nicolas Sarkozy n'ont pas été révélés même si, officiellement, elle vise à soutenir les efforts démocratiques qui commencent à connaître quelques succès. Les véritables buts seraient au moins au nombre de deux. Les milieux avertis parlent d'un prochain voyage du président américain Barack Obama à Bagdad. Fidèle à son style, le président français trouverait donc, à travers cette visite surprise, un moyen d'affirmer la volonté de la France d'avoir une présence dans la région. Ce serait un double message envoyé en direction de la Maison-Blanche. D'abord pour lui prouver la disponibilité de la France à s'engager auprès des Etats-Unis, y compris dans le traitement des dossiers difficiles, ensuite pour lui signifier que le multilatéralisme, nouvellement prôné par Washington, exige une distribution des rôles équitable, dans laquelle l'Hexagone entend avoir une place de choix. Le deuxième objectif de la visite est sans aucun doute économique et revêt une importance majeure, vu la conjoncture internationale marquée par une grave crise qui affecte aussi bien les Etats-Unis que l'Europe. La reconstruction d'un pays dévasté comme l'Irak offre des opportunités de marchés qui permettraient aux économies occidentales de réduire considérablement les effets de la crise et la France entend avoir sa part du gâteau. Pendant ce temps, l'Iran voisin fête le trentenaire de la révolution islamique. C'est l'occasion saisie par le président Ahmadinejad pour signifier à Washington et à la communauté internationale sa disposition à accepter la main tendue de Barack Obama à la condition que le dialogue se déroule dans des conditions et dans un climat d'égalité et de respect mutuel. La volte-face du président iranien encore tout auréolé de la dernière prouesse technologique de son pays, la mise en orbite d'un satellite qui a jeté l'émoi dans les capitales occidentales, pourraient s'expliquer à la fois par la proximité de l'élection présidentielle et par l'attitude ferme affichée par les Etats-Unis et ses alliés depuis Munich. En acceptant de jouer la détente, Ahmadinejad tenterait ainsi de faucher l'herbe sous les pieds de son concurrent Khatami, candidat à la présidence présenté comme modéré. À moins qu'il s'agisse pour lui de gagner du temps pour confectionner, comme l'en soupçonnent fortement plusieurs capitales, l'arme fatidique qui changerait de manière radicale les équilibres dans la région et dans le monde. Dans tous les cas, l'offensive meurtrière d'Israël à Gaza, mais surtout l'arrivée de Barack Obama au bureau ovale, marquée par une nouvelle politique des Etats-Unis qui comptent agir en concertation avec le monde, ont remis le Proche et le Moyen-Orient au centre des intérêts euro-américains. Aussi ne faut-il pas s'étonner si la région connaît un chassé croisé diplomatique de plus en plus intense. M. A. Boumendil