Bilan d'un mois du président de “Yes, we change. We can”. Le premier président noir des Etats-Unis s'est rendu au Canada pour son premier voyage officiel : deux pays identiques et interdépendants. Il y a commis un petit lapsus révélateur en disant heureux d'être en Iowa, avant de se rattraper et de dire à Ottawa. Il a retroussé ses manches pour éviter la faillite à son pays. Et sur le plan international, le successeur de Bush annonce l'envoi de 17 000 soldats supplémentaires en Afghanistan et dépêché sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, en Asie, le continent du IIIe millénaire. Pas un mot, par contre, sur ce qui risque de se produire au Moyen-Orient avec l'arrivée à la tête d'Israël du plus faucon des faucons ! Il est vrai que le président “du dialogue interculturel” n'avait pas bronché lorsque Israël perpétrait un génocide à Gaza, hormis un coup de fil à Mahmoud Abbas. Un plan de relance gigantesque mais incertain car Obama a pris le risque de se mettre à dos les argentiers, l'épine dorsale du système libéral. Il rompt effectivement avec son prédécesseur, un néo-libéral sans état d'âme, mais les interventions massives de l'Etat dans la finance, l'immobilier et l'automobile n'agréent pas tout le monde dans la capitale du business et des marchés boursiers. Une chose est sûre, son gigantesques plan de relance va encore creuser le déficit budgétaire et sérieusement. Pas moins de 787 milliards de dollars vont être consacrés à la remise sur pied de l'économie américaine après un passage en force au Sénat. Le vote du texte représente en lui-même une première victoire pour Obama. Les médias américains qui mélangent avec brio people et investigations sérieuses, trouvent que leur jeune et athlétique président fraîchement investi affiche souvent une mine fatiguée. Un mois après son investiture ! Le contexte de son arrivée n'est pas du tout facile : aux casseroles léguées par les néo-conservateurs s'est ajoutée la crise financière qui a mué en crise économique avec des charrettes de mise en chômage. Et ce n'est pas terminé. Après le passage au Congrès, son plan de relance doit convaincre le marché et les contribuables. Obama doit par exemple décider maintenant jusqu'où il soutiendra le secteur automobile, alors que les géants General Motors et Chrysler ont demandé 25 milliards de dollars de plus pour échapper à la faillite ! Un mois et déjà Obama pense à sa retraite. Inédit pour le Kennedy noir. “Si, d'ici quelques années, les gens n'ont pas le sentiment que l'économie est repartie et que je n'ai pas orienté le pays dans la bonne direction, alors vous aurez un nouveau président”, a-t-il déclaré en Floride. Il faut dire que les choses n'ont pas coulé de source pour lui. Il a fait des erreurs de casting. “I screwed up” (j'ai foiré), a-t-il déclaré après les retraits de son secrétaire à la Santé, Tom Daschle, et de Nancy Killefer, chargée de veiller au bon fonctionnement des programmes fédéraux et des dépenses. Tous deux étaient aux prises avec le fisc américain. Il reste que le nouveau chef d'Etat n'a pas attendu longtemps avant de défaire l'héritage de Bush. Premièrement, en signant le décret de fermeture de la prison de Guantanamo, symbole de l'administration Bush. Même si en réalité il faudra attendre plusieurs mois pour que le centre détention mette la clef sous la porte. Le Président a, par la même occasion, révisé les méthodes d'interrogatoire des agents de la CIA, notamment en interdisant la torture. Il a envoyé son vice-président, un expert de la politique étrangère made in USA en Europe pour affirmer sa volonté de redorer le blason américain sur la scène internationale. Les défis sont énormes et les intérêts bien compris de son pays sont en porte-à-faux avec son angélisme. Son premier coup de fil officiel adressé au chef de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi qu'à d'autres dirigeants du Proche-Orient pour s'engager auprès d'eux à œuvrer activement à la paix israélo-arabe dès le début de son mandat, le lendemain de son investiture, reste pour l'heure une simple déclaration d'intention. Il a nommé le sénateur George Mitchell, un diplomate correcte, au poste d'émissaire pour le Proche-Orient, il accordé sa première interview officielle à la chaîne Al-Arabiya, mais il n'a pas soufflé un mot après l'arrivée à le tête d'Israël de “Bibi” Netanyahu, un américanophile de premier ordre et anti-arabe notoire. Le locataire de la Maison-Blanche a également dit prendre en main le dossier iranien en faisant naître l'espoir d'un dialogue. Encore une perspective. À l'international, l'heure est à la crispation : Pyongyang menace de reprendre ses tirs de missile, les relations Mahmoud Abbas vont se tendre avec l'élection du nouveau Parlement israélien, peu enclin au dialogue, l'Europe traîne les pieds pour renforcer l'OTAN… L'obamania, c'est déjà du passé. D. Bouatta