Connaissez-vous le judezmo ? Et le korendje ? Et bien, ce sont deux des treize langues en danger en Algérie que l'Unesco a recensées parmi les 2 500 langues menacées de disparition dans le monde sur les 6 900 qui sont parlées à travers la planète. Avant de crier au complot ou de croire déceler dans ce travail de sournoises intentions d'atteinte aux constantes nationales, il faut juste se rappeler que l'Unesco est une organisation intergouvernementale. Rien dans son action ne vise les politiques des gouvernements. Sa dernière édition de l'Atlas des langues en danger recense 13 cas en Algérie. Il s'agit du judezmo, une langue d'origine européenne sérieusement en danger avec quasiment plus de locuteurs, du korendje avec 5 000 locuteurs autour de Tabelbala ; Ksar Sidi Belkhier et Ksar Cheraïa, dans le Sud ou encore de Tagargrant, encore parlée par quelque 15 000 personnes à Ouargla. Il y a aussi tachenwit dans la région de Tipaza (20 000 locuteurs), Tamahak à Tamanrasset et Djanet (120 000 locuteurs), tamzabit, dans la vallée du M'zab (120 000 locuteurs), tamazight (Arzew), tasnusit dans les monts de Béni-Snous, dans la région de Tlemcen, tagourait dans le mont Gouraya, taznanit dans la région de Timimoun et de Tamentit (80 000 locuteurs), Tidikelt à Aïn Salah (50 000 locuteurs), Touggourt et enfin zenatiya dans les monts de l'Ouarsenis. L' Unesco a présenté ce travail jeudi dernier à Paris. L'édition réalisée par 25 linguistes sous la direction de l'Australien Christopher Moseley se présente sous forme interactive consultable sur le site Internet de l'organisation internationale. Elle pourra être complétée, corrigée ou actualisée en permanence grâce à la contribution de ses utilisateurs. Selon une typologie comprenant quatre catégories, l'Unesco recense 200 langues qui se sont éteintes au cours des 60 dernières années, 538 en situation critique, 502 sérieusement en danger, 623 en danger et 607 vulnérables. L'Inde (16), les Etats-Unis (192), l'Indonésie (147), la Chine (144), le Mexique (144), la Russie (136) sont les pays qui ont le plus de langues en péril. Christopher Moseley a noté un paradoxe selon lequel “plus grande est la diversité linguistique, plus grand est le nombre de langues en péril”. L'Unesco recense des langues qui ne sont parlées que par des tout petits groupes. Ainsi, 199 langues comptent moins de 10 locuteurs comme le holikachu parlé par 5 personnes en Alaska, le kalaim parlé par 6 Ukrainiens de l'ouest ou le gweno utilisé par 10 Tanzaniens. En Afrique subsaharienne où environ 2 000 langues sont parlées au moins 10% d'entre elles risquent de disparaître dans les 100 prochaines années. Sur la base de neuf critères, l'Unesco estime qu'une langue est en péril “lorsque ses locuteurs cessent de l'utiliser, réservent son usage à des domaines de plus en plus restreints, emploient un moins grand nombre de registres et arrêtent de la transmettre à la génération suivante”. Comment faire pour éviter la disparition d'une langue. La réponse est donnée par Françoise Rivière, sous-directrice générale de l'Unesco. “Il faut être fier” de parler cette langue. A. O.