Bi doun ôunwane, qui signifie sans titre, mais aussi sans adresse, est le titre de la pièce de théâtre représentée, mercredi dernier, à la salle El Mouggar d'Alger. C'est l'histoire de deux personnes, formant, malgré eux, un couple. Lui, c'est Rabiî. Elle, c'est Rabia. Deux voisins habitant l'un en face de l'autre. Chacun d'eux a son histoire, sa vie, son petit jardin secret. Les années (presque 20 ans) de cohabitation voisine ont développé une certaine complicité. Des liens se sont tissés. Consciemment ou inconsciemment, ils sont attirés l'un vers l'autre. Rabiî n'a jamais été marié. Sa fiancée a trouvé la mort à quelques jours du mariage. Lire le journal, c'est son occupation favorite. Donc, célibataire endurci et meurtri. Rabia, elle, son époux l'a abandonnée quelques jours après leur mariage. Sa seule compagnie pour atténuer sa solitude : les chats (elle en a eu trois). Ainsi, les deux voisins passent leurs journées à se raconter leur vie, à se dévoiler… Des disputes, sans conséquence, surgissent pour plus de piment dans leur quotidien, pour moins de monotonie… D'ailleurs, à chaque dispute, ils se rapprochent plus. Ça c'est l'histoire. En arrière-plan, une autre histoire surgit. Celle de deux hommes, venus de nulle part. À voir leur comportement, ils fuient un passé récent, un présent qui leur colle à la peau ou plutôt à la peau d'entre eux. Celui qui a “commis le crime”, qui a “poignardé”. Hanté depuis par le regard sans vie de la victime. Le lien entre les deux histoires ? Le mort n'est que le mari de Rabia. Cette seconde histoire prend de l'ampleur. Elle se greffe à la première et fait corps avec elle. Dans leur fuite, ils se retrouvent – par hasard ? – dans le douar de Rabiî et Rabia. Ils sont en quête “d'El-Qaria”. Cet eldorado tant voulu, tant recherché, pour la quiétude, pour la paix de l'âme, pour le bonheur absolu. Cependant, plus la pièce avance, plus l'absurdité de la quête ainsi que celle du quotidien raplapla sont mises en exergue. Tant l'absolu est inexistant. Bi doun ôunwane est un regard, une réflexion sur la société. C'est aussi l'incertitude du futur, la vie au jour le jour. C'est la course contre le temps.À rappeler que cette pièce, écrite par Khaled Bouali et mise en scène par Sonia et Mustapha Ayad, est produite par l'association culturelle Les amis de Rouiched. Amine IDJER