En janvier dernier, un vendeur de téléphones portables à Alger-Centre s'était présenté à la brigade d'El-Biar pour déposer une plainte contre un voleur. Les gendarmes croyaient avoir affaire à un acte isolé relevant de la délinquance. C'était loin d'être le cas. Mais à la description des faits, la victime étonnera plus d'un. “Ce monsieur s'est présenté dans mon magasin en qualité de capitaine de la Gendarmerie nationale. Il m'avait alors demandé de lui donner un appareil pour le montrer à sa fille qui, selon lui, était à l'intérieur de son véhicule. Présentable, bien habillé et beau parleur qu'il était, j'avais donc cru avoir affaire à un client de prestige. Mon attente aura duré plus qu'il fallait. C'est alors que j'ai compris que je venais d'être arnaqué, escroqué et volé”, déclare ce commerçant en substance aux gendarmes qui tombaient des nues. Suite à quoi, un portrait-robot sera établi par la police technique sur la base des quelques traits physiques décrits par la victime. “Nous avons pris l'affaire très au sérieux car il s'agit de débusquer cette personne qui s'affairait à commettre des délits graves au nom d'une institution de la République. Ce personnage, selon les traits décrits ressemble quelque peu à un chanteur très populaire. Ce qui nous a mis, dès le départ, sur une première piste. Ce qui nous manquait, en revanche, c'était de savoir le secteur où ce faux officier rôdait. C'est alors que nous sommes restés sur le qui-vive pour chercher la moindre indication pour le neutraliser”, explique le commandant Abdelkader Berrahal qui dirige la compagnie de la gendarmerie d'Alger. L'escroc continuera, entre-temps, à sillonner quotidiennement magasins de téléphones portables et de vêtements, pour se faire son argent de poche. D'après les premiers témoignages de sa personnalité, “il s'agit d'une personne dépensière qui gaspille ses sous dans des lieux de prédilection”, nous dit-on encore. Un mois après, ce sera le tour d'une dame de se faire arnaquer. Et par la même personne ! La femme en question se présentera alors, à son tour, à la brigade de la gendarmerie d'El-Biar pour y déposer plainte. La description des traits physiques du présumé coupable correspondent aux mêmes traits que ceux décrits par la première victime. Sauf la méthode. Celle-là a changé. “Cet escroc a promis à ladite dame de faire tout le nécessaire pour obtenir son logement à Alger”, révèle le commandant Berrahal qui avouera que ce faux capitaine, âgé de 45 ans, avait demandé des “honoraires” pour plaider la cause de cette dame auprès des administrations publiques. “Nous avons su dès le départ qu'il s'agissait d'un faux officier car l'âge ne correspond nullement au grade. Nous avons alors compris qu'il s'agit bel et bien d'une usurpation de fonction. Grâce à cette dernière plainte, nous avons accéléré nos investigations”, affirmera le commandant Berrahal. Comment ? Cette dame restera en contact permanent avec cet “officier”. Il lui donnera plusieurs rendez-vous, mais n'apparaît pas souvent sur la place publique. Ses rendez-vous étaient d'ailleurs séparés d'une semaine à dix jours. Cette dame a joué le jeu et accepta de le voir dans des endroits précis qu'il fixait lui-même. Selon sa convenance pour éviter de se faire repérer. “Il fuyait, mentait et contactait souvent sa dernière victime. C'est alors que nous avons cerné les endroits où il rôdait d'habitude avant de déployer une équipe pour la circonstance”, nous avouera encore notre interlocuteur. Le 3 mars dernier, les gendarmes de la brigade d'El-Biar tendent alors une souricière et réussissent à mettre, enfin, la main sur leur “faux collègue” entre El-Biar et Hydra. “Je ne suis pas bien payé. J'ai une famille à nourrir et j'occupe le poste d'agent de sécurité dans une société”, avouera d'emblée cet homme brun, moustachu, bien habillé et à l'allure sereine et confiante. Selon les éléments de l'enquête, ce faux capitaine avait causé du tort à plus de 20 personnes en une année dans les localités de Bachdjarah, Bab El-Oued, Boufarik, Alger-Centre et Douéra. La Gendarmerie nationale a convoqué toutes les victimes qui l'ont immédiatement identifié. Des dossiers ont été récupérés, au cours de l'enquête, au domicile de l'escroc. Présenté, jeudi, devant le procureur de la République près le tribunal de Bir-Mourad-Raïs, il a été placé sous mandat de dépôt pour les griefs retenus contre lui, à savoir escroquerie, abus de confiance et usurpation de fonction. FARID BELGACEM