Le gang s'était spécialisé dans le vol de Mercedes, Golf, des semi-remorques et autres véhicules de luxe. Plusieurs personnes ont été arrêtées par la police à l'issue d'une enquête menée dans dix wilayas. Le cerveau du réseau localisé à Alger est toujours en fuite. Il ne se passe pas un jour, dans toutes les villes d'Algérie, sans qu'un vol de voiture ne soit signalé, au grand dam de la sécurité des automobilistes et des efforts consentis par les services de sécurité déployés depuis toutes les casernes d'Algérie pour sécuriser les périmètres dits “dangereux”. Désormais, il n'est plus question de petits voyous qui cassent les vitres pour s'emparer des radiocassettes ou autres accessoires et objets personnels (bijoux, portables, montres, documents…). Les professionnels du vol de voitures se constituent, graduellement, en bandes organisées, voire en réseaux éparpillés sur les 48 wilayas. Si la sûreté nationale et les brigades de gendarmerie arrivent à élucider près de 80% des cas (ce qui est spectaculaire !), il est n'en demeure pas moins qu'au niveau de la prévention, la faille est assez importante. Et tout est là : les spécialistes de ces vols opèrent souvent en toute quiétude dans les lieux les plus insoupçonnés. Et depuis quelque temps, l'axe Tizi Ouzou -Tissemsilt est devenu, selon un constat établi, la plaque tournante des réseaux de vols de véhicules. Tout a commencé à la briqueterie d'Irdjen, basée sur l'axe Oued-Aïssi, à 8 km de Tizi-Ouzou. Une bande de malfaiteurs pénètrent à l'intérieur du parking d'un organisme public, braque les gardiens à l'arme blanche et s'empare d'un camion-tracteur, immatriculé 2004. Quelques semaines auparavant, c'était un particulier qui avait fait l'objet du vol de sa voiture (Express blanche). Les agressions se multiplient. Les plaintes aussi. Les services de sécurité sont débordés ! Ils arrivent à peine à sécuriser une wilaya, constituée à 80% de reliefs montagneux et dépendant d'une sécurité rurale inexistante. Le reste, les 20%, relève des sûretés urbaines qui ne savent plus où donner de la tête. Devant cette recrudescence des actes de vol de véhicules, les services de sécurité ouvrent une enquête. Spectaculaire : les auteurs n'opèrent pas pour leur seul et unique compte. Les individus suspectés sont affiliés à une toile plus vaste qu'on le croyait. C'est alors que les investigations mènent les enquêteurs à la wilaya de Chlef d'abord, ensuite Mostaganem. Mais d'abord à Chlef : le camion volé est découvert. Le véhicule est complètement maquillé, la cabine refaite en entier et l'immatriculation revue à la baisse (année 2001). Complètement soudé, le numéro du châssis est aussi modifié. Les documents afférents à ce camion sont falsifiés. Le réseau de Tizi Ouzou - Chlef est vite démantelé : un ingénieur des mines arrêté et mis sous mandat de dépôt et plusieurs personnes activant au service des cartes grises sont interpellées et placées, aussi, sous mandat de dépôt devant les preuves irréfutables. Dans cette même wilaya, sept personnes avaient déjà été arrêtées pour trafic de documents administratifs et faux et usage de faux. Et ce n'est pas fini ! De Tizi Ouzou à Tissemsilt : on “plante” et on “troque” Tizi-Ouzou, avec la multiplicité et l'étendue de ses montagnes, et Chlef, base arrière idéale pour ces groupes, ne sont que la face visible de l'iceberg. Les enquêteurs ne s'arrêtent pas là : le nombre de véhicules volés, luxueux quantitativement et diversifiés qualitativement, attire de plus en plus de gangs organisés en provenance de toutes les régions du pays. Avec les moyens insuffisants, les services de sécurité avancent malgré tout dans leur enquête. Les voleurs “qualifiés” s'ingénient toujours à trouver la parade à toute investigation policière. Selon les premières informations révélées par les premiers éléments du groupe arrêtés, ces énergumènes sont organisés et arrivent même à constituer des réseaux à travers tout le pays. Le profil des malfrats a changé. Celui des véhicules aussi. Deux jours plus tard, les enquêteurs découvrent qu'un bon nombre de véhicules est échangé contre des camions. Et bon nombre de voitures sont domiciliées dans d'autres wilayas, même si les “acheteurs” résident au centre du pays. Deux techniques qui rendent la tâche difficile aux services de sécurité qui cherchent désespérément d'autres pistes. Arrivés à Mostaganem, les enquêteurs arrêtent un malfrat, la main dans le sac. Il roulait en toute quiétude dans un véhicule de luxe (Mercedes). Cette voiture d'une valeur de 4 millions de dinars, ce malfrat l'a acquise en échange d'un camion-citerne transformé en véhicule de transport de marchandises. Une fois appréhendé, il révélera que le réseau a des ramifications multiples. D'où la piste de Tissemsilt. Mais pour arriver à cette circonscription et découvrir le gros morceau, il aura fallu aux enquêteurs d'autres preuves tangibles. Or, le circuit est assez compliqué : les ingénieurs des mines, les agents des services des cartes grises, les receleurs, les complices, les vendeurs, les acheteurs (victimes), les “acteurs” d'agressions… et, enfin, les passeurs de véhicules en provenance de l'étranger via les frontières terrestres à l'ouest du pays. Une fois les preuves glanées, les investigations donnent lieu à une arrestation spectaculaire de plusieurs auteurs et la récupération de véhicules légers et lourds. L'enquête se poursuit. À Oran et à Biskra. Dans ces deux wilayas, les services de sécurité recherchent activement des chauffeurs affiliés au réseau principal basé à Tissemsilt. La “tête” du réseau, toujours en fuite Comme tous les réseaux qui se “plantent” et sèment la zizanie et la terreur au sein des populations, celui de Tizi-Ouzou - Tissemsilt représente l'une des toiles les plus dangereuses aux multiples ramifications et complicités. Toutefois, l'enquête des services de sécurité a été fructueuse à plus d'un titre. Bilan : 8 personnes appréhendées, 7 véhicules récupérés, dont 3 camions (semi-remorques et camions tracteurs) et 5 voitures de luxe (Golf G IV – Mercedes). Reste à récupérer deux camions à Oran et un autre à Biskra. Ailleurs, à Tipasa, ce sont 2 personnes appréhendées et placées sous mandat de dépôt et 4 véhicules récupérés (Hyundai, Fiat et Citroën). La tête du réseau basée dans la capitale est actuellement en fuite. Activement recherché, cet individu détiendrait des documents falsifiés (cartes grises, permis de conduire, récépissés…). Il est maintenant certain que ce réseau s'étend au-delà des frontières pour avoir des points d'attache à l'ouest du pays et de là vers les marchés de véhicules et les casses. Les spécialistes de ces vols réussissent même à effacer les traces des immatriculations, sachant que la carte grise ne comporte que les deux principaux numéros (précédent et nouveau). Le procès “exceptionnel” a duré plus de 11 heures ! “Association terroriste”, “association de malfaiteurs”, “attaque à main armée et agression sur des personnes physiques”, “faux et usage de faux”, “vol et recel” et “fausse domiciliation”, tels sont les chefs d'inculpation retenus contre les éléments du réseau, présentés, mercredi dernier, devant les compétences juridiques d'Azazga, où les premières plaintes avaient atterri. Les huit personnes appréhendées dans le réseau Tizi Ouzou - Tissemsilt ont défilé, de 9h du matin à 9h du soir, devant le juge d'instruction chargé de cette affaire. Un procès “exceptionnel” et houleux qui aura permis d'élucider bon nombre des éléments d'une enquête fructueuse. Verdict : 4 personnes placées sous mandat de dépôt et 4 autres mises en liberté provisoire. À Tipasa, le procureur de la République a prononcé la détention provisoire des inculpés en attendant le procès dans les prochains jours. En plus de vol et association de malfaiteurs, les 2 individus sont également accusés d'usurpation de fonction. L'un se faisait passer pour un journaliste et l'autre pour un officier des services de sécurité. Aussi, 8 personnes sur les 13 présentées devant le juge d'instruction de Larbaâ Nath Irathen (ex-Fort national) ont été placées sous mandat de dépôt. Ces personnes dressaient des faux barrages sur l'axe de Larbaâ Nath Irathen, Aït Khelili (Mekla), Aïn El-Hammam et Tizi-Rached et délestaient les automobilistes de leurs véhicules. Là aussi, le bilan est fructueux : 5 voitures, des armes à feu, des armes blanches et des cagoules ont été récupérées par les services de sécurité. à qui faire confiance ? Les vols ne s'opèrent plus dans la discrétion. Il y a l'agression directe. Le feu rouge et les voies embouteillées sont devenus les lieux propices pour les malfaiteurs qui agissent en gangsters, généralement munis de couteaux et autres armes à feu. Que ce soit le jour dans un rond-point fréquenté ou la nuit dans les agglomérations, la psychose est telle que les conductrices (nouvelles proies des malfaiteurs) et les conducteurs bloquent toutes les portières. Une précaution devenue un réflexe pour se protéger des hors-la-loi. Il y a un mois à peine, sa voiture arrêtée, une dame a été sauvagement agressée à Alger. La victime s'en est sortie avec des blessures à la tête, mais les auteurs ont raté leur forfait. Sur les autoroutes, les voleurs interceptent les véhicules, font descendre de la voiture illico presto le conducteur. Soit ils l'emmènent de force avant de l'abandonner plus loin pour s'emparer du véhicule, soit ils commettent l'irréparable. Pour le moment, les malfrats n'ont pas eu recours au kidnapping, à la séquestration et au viol des propriétaires de voitures. D'autres procédés sont également utilisés : dans les parkings, chez les tôliers et les stations de lavage, les spécialistes des vols marquent des repères sur les serrures avant d'agir, quelques semaines plus tard. Alors, à qui faire confiance ? Voici une problématique, une nouvelle approche, à laquelle seule les services de prévention et les propriétaires des véhicules pourront répondre pour limiter les dégâts. Une chose est, cependant, sûre : la police vient de déclarer une guerre implacable à l'un des réseaux les plus importants en Algérie. F. B.