Les critiques récurrentes et lancinantes adressées au secteur bancaire par la sphère réelle illustrent bien cette perception de nature conflictuelle. Dans le contexte actuel de l'économie algérienne marqué par une ouverture de plus en plus grande, une concurrence exacerbée et un secteur bancaire sur lequel pèse encore le passé de l'économie administrée, l'avenir des entreprises dépend, en grande partie, de la possibilité qu'elles ont à financer efficacement leur activité d'exploitation et d'investissement. Les conditions dans lesquelles ces contraintes doivent être assumées sont perçues de façon différente, pour ne pas dire divergentes, par les entreprises auxquelles elles s'imposent et leurs partenaires, les banques. Les critiques récurrentes et lancinantes adressées au secteur bancaire par la sphère réelle illustrent bien cette perception de nature conflictuelle. Les griefs nourris par les entreprises envers le système bancaire sont nombreux ; ils portent sur divers aspects tels les conditions d'accès au crédit, le coût du crédit, les dysfonctionnements et les lourdeurs, voire les excès des banques et leur impact dépressif sur l'activité réelle. Les chefs d'entreprise ne comprennent pas que la disponibilité d'importantes liquidités au niveau des banques ne permet toujours pas l'octroi de crédits longs. Il s'agit là d'un obstacle rédhibitoire à l'impulsion d'un mouvement massif d'investissement et de création d'entreprises dans notre pays, parce qu'il n'est plus possible d'amortir sur une durée de 5 ans des volumes d'investissement qui, du fait de la taille des projets et de leur coût, sont de plus en plus importants. Bien des entreprises se trouvent aujourd'hui en difficulté du fait de cette situation. Les chefs d'entreprise, notamment de PME, déplorent le fait que toutes les entreprises n'aient pas un égal accès à des financements adaptés à leur dimension, à leur activité ou à leur structure juridique. D'autres griefs sont formulés : les délais de traitement des dossiers de crédit sont trop longs, les taux d'intérêt sont trop élevés, les circuits de paiement se caractérisent par des retards excessifs, l'ingénierie financière est quasi inexistante au niveau des banques, les banques ne font pas preuve d'agressivité commerciale, l'accueil de la clientèle est insuffisant, les relations avec l'étranger sont insuffisamment prises en charge… De l'autre côté, la communauté bancaire indique qu'il n'est pas juste de considérer que les difficultés de la sphère réelle ne sont que le produit d'une inadaptation du système bancaire. Cette divergence de perception découle de la situation de trop forte dépendance dans laquelle se trouvent les entreprises vis-à-vis de leurs banques, situation qui trouve son origine dans l'absence d'un véritable marché financier, de la faiblesse du crédit interentreprises, du crédit-bail, du capital investissement, et d'autres instruments adaptés. Souvent insuffisamment dotées en fonds propres, les entreprises ne peuvent de ce fait se tourner que vers leurs banques pour trouver des solutions à leurs contraintes financières. Il est vrai également que le développement de la sphère réelle en Algérie reste tributaire de la réduction des entraves bureaucratiques à l'activité économique, de l'amélioration du climat d'investissement, et de la levée de bien d'autres contraintes qui ne relèvent pas de la sphère financière et bancaire. Il est également vrai qu'après presque vingt ans d'application de réformes, le monde des affaires algérien n'a pas encore fait sa mue. Les PME/PMI privées évoluent encore généralement dans un cadre de propriété familiale et se caractérisent par une taille réduite atteignant rarement la taille critique. Le tissu économique privé est, dans l'ensemble, constitué de petites entreprises familiales, fermées aux investisseurs extérieurs. Ce caractère familial des PME algériennes aggrave les contraintes institutionnelles auxquelles elles sont confrontées. C'est une question déterminante car les réticences de nos PME à diluer leur capital et à s'astreindre aux exigences de publication des informations constituent une partie des raisons qui expliquent la faiblesse, voire l'absence, d'un marché financier en Algérie. M. R.