La plupart des interventions d'hier ont péché par un excès de théorie et d'académisme et parfois même de rhétorique qui sonne comme du déjà entendu. Le président de la République s'est distingué, hier, à l'ouverture du colloque international sur le terrorisme, par une digression à la fois allusive et énigmatique à propos de la concorde civile : “Je sais qu'il y a ceux qui partagent notre démarche, et ceux qui ne la partagent pas, mais je ne tiens pas vraiment à la concorde civile.” Un peu plus loin, le chef de l'Etat se reprend : “Nous sommes engagés dans la politique de concorde civile que le peuple et le Parlement ont adoptée et cautionnée.” Pour une déclaration politique devant un cénacle d'experts internationaux, la vision de Bouteflika a de quoi déboussoler son auditoire, tant il dit ne pas tenir spécialement à sa concorde avant de se déjuger, quelques instants après, en disant qu'il s'y est engagé. Il ne précise pas non plus à qui il s'adresse quand il dit : “Je reconnais à l'autre d'avoir un avis contraire au mien, à condition qu'il n'utilise pas la violence.” De qui parle le Président ? De l'armée ? Des terroristes ? De ses opposants politiques ? Mystère. Bouteflika rajoute un peu de flou lorsqu'il assène “qu'on doit traiter par la force des arguments et le dialogue et non pas avec des couteaux et des fusils”. Sinon, pour la réconciliation nationale, le Président n‘a pas jugé utile de s'y étaler devant une assistance globalement acquise à la nécessité de barrer la route aux terroristes islamistes. Ce faisant, le Président s'est mis dans l'air du temps pour réclamer un surcroît de coordination au niveau mondial pour lutter efficacement contre le fléau terroriste. Aussitôt après un discours de circonstance truffé de demi-mots, le Président a quitté la salle, emportant avec lui ses allusions, qui auront été la curiosité des journalistes. Pour en revenir à l'ambiance du colloque, il convient de signaler la présence fort remarquée de toutes les personnalités qui ont ouvertement défendu la thèse de la lutte sans réserve contre le terrorisme. Il est notamment question de Rédha Malek, de Salim Saâdi, de Leila Aslaoui, de Khaled Nezzar, de Mme Benhabylès et d'Ouyahia entre autres. Le constat est aussi valable pour les étrangers avec les Glucksmann, De la Gorce et Yves Bonnet qui ont été l'attraction des journalistes. Premier à intervenir, le politologue Benchenane a donné le ton dans son exposé intitulé “Islam et islamisme” au débat, en plaidant la nécessité de dissocier ces deux concepts dans la mesure où, selon lui, le deuxième est exactement la négation du premier. Versets coraniques à l'appui, il expliquera longuement que “l'islam est une pédagogie de la paix” et que l'islamisme est “la forme la plus exacerbée de l'instrumentalisation de l'islam”. L'orateur pense que l'islamisme n'a “strictement rien à voir avec l'islam” et, à ce titre, il doit être combattu. “On ne peut pas faire l'économie de la répression”, lâche cet universitaire qui se félicite du travail accompli par l'armée nationale. Pour autant, M. Benchenane demande à ce que l'on redonne espoir aux jeunes et ce, “pour couper les racines de l'extrémisme”. Interrogé par l'avocat Brahimi, s'il ne serait pas judicieux de “laïciser l'islam”, le conférencier lui fera remarquer que “les gens du GIA ne sont ni dans la religion ni dans la politique et qu'il n'y a pas un bon islam et un autre mauvais”. L'universitaire, qui a eu droit à une standing ovation, a affirmé, doctement, que “la laïcité n'est contenue dans aucune religion” et que ce concept est “une exception française”. Abderahmane Chibane, ancien ministre des Affaires religieuses, a tenté de pimenter le débat en s'écriant : “Ce sont les dirigeants des pays musulmans qui ont poussé la société à l'extrémisme parce que l'on a éloigné les savants de l'islam.” Il s'indigne de ce que l'on présente Arafat comme un terroriste et Sharon un “homme de paix”. Suite à quoi, Glucksmann le rappelle à l'ordre, lui demandant de poser des questions et de ne pas se lancer dans les commentaires. Il y a lieu de noter que la plupart des interventions d'hier ont péché par un excès de théorie et d'académisme et parfois même de rhétorique qui sonne comme du déjà entendu. La séance d'aujourd'hui paraît intéressante avec notamment l'intervention du lieutenant-colonel Bouzeghaïa sur le terrorisme islamiste en Algérie, ses ramifications et son espace transnational et celle du philosophe français, André Glucksmann, dans laquelle il se propose d'apporter un éclairage sur le “terrorisme et le nihilisme”. H. M. FIDH “Pourquoi nous ne participons pas” • La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, FIDH, qui avait appris, par voie de presse, sa participation au colloque d'Alger, explique les raisons de son absence. “Le président de la FIDH se voyait contraint de décliner l'invitation à prendre part au colloque international sur le terrorisme en raison du refus persistant des autorités algériennes à reprendre un dialogue exhaustif avec la FIDH”, c'est ce qui est expliqué dans une lettre ouverte adressée aux responsables du comité d'organisation. La même lettre poursuit encore “depuis mai 2000, la FIDH a sollicité, à cinq reprises, les autorités algériennes pour qu'elles l'autorisent à se rendre en Algérie sans jamais recevoir de réponse. En outre, le président de la FIDH a été déclaré personna non grata en Algérie, alors qu'il était invité à participer à une conférence indépendante sur les droits de l'homme, la FIDH ne peut que constater, pour le déplorer vivement, la volonté des autorités algériennes de ne pas reprendre le dialogue avec elle”.