Jamais dans une campagne présidentielle, ici ou ailleurs, un candidat n'a eu cette phrase lourde de sens : “Votez pour qui vous voulez, mais votez.” Le choix du candidat semble subsidiaire, celui du programme, accessoire. Plus on se rapproche de l'échéance du 9 avril, la sensation qu'il existe deux campagnes distinctes pour la présidentielle ne cesse de se renforcer. En effet, la première joute, secondaire en l'état, est celle qui oppose le président Bouteflika aux cinq autres candidats et qui semble une opposition complètement disproportionnée. Sans vouloir jeter l'anathème sur ces candidats, qualifiés de “faire-valoir” ou de “lièvres”, c'est selon, leur poids politique sur la scène nationale est tel qu'ils ne peuvent prétendre à grand-chose. Si on exclut les deux cas intéressants de Louisa Hanoune, qui a une visibilité de plus en plus affirmée, et de Moussa Touati, qui profite d'un discours qui plaira étrangement aux adeptes du FLN. Mais là n'est pas le plus important. La véritable course qui s'engage est celle contre l'abstention. Bouteflika semble avoir un seul adversaire qu'il craint réellement : l'urne vide. Celle d'une désaffection d'un électorat qui, à l'heure actuelle, est insondable. Au-delà des démonstrations de force artificielles et des quatre millions de signatures collectées, c'est le refus des Algériens de se rendre aux urnes le 9 avril qui demeure la plus grande équation à résoudre. Jamais dans une campagne présidentielle, ici ou ailleurs, un candidat n'a eu cette phrase lourde de sens : “Votez pour qui vous voulez, mais votez.” Le choix du candidat semble subsidiaire, celui du programme, accessoire, mais seule compte l'adhésion des Algériens au processus électoral. Quel qu'en soit le résultat. Quand Sellal, après Belkhadem, avance le chiffre pharaonique de 70% de participation, souhaité, voulu ou rêvé, il est légitime de se poser la question : comment vont-ils se débrouiller ? La campagne de Bouteflika qui se dessine a pris le soin de s'adresser à la masse à travers des canaux pointus : jeunesse, femmes, ouvriers, agriculteurs, étudiants. Toutes les catégories sociales ou professionnelles sont sollicitées pour mobiliser un maximum d'électeurs avec le souci de ne pas rater le rendez-vous du 9 avril. Car, à ce niveau-là, de mobilisation, Bouteflika ne joue pas un troisième mandat. Il joue sa crédibilité de Président. Sa capacité à remobiliser les Algériens et leur faire aimer la politique à nouveau. Et c'est là où se niche le paradoxe. Bouteflika ne roule pas pour lui dans le sens où la campagne qu'il mène n'est pas destinée à affronter les autres mais à agir sur l'abstention comme une éponge. Car l'abstention dans une course qu'il mène est d'abord une sanction contre sa politique. M. B.